Pour renforcer sa présence en Afrique du Nord, Renault SA construit actuellement une usine d’assemblage de voitures à bas coût à Tanger, au nord du Maroc. Elle s’apprête à annoncer la construction d’une autre, à Rouiba, dans la banlieue d’Alger, capitale de l’Algérie (‘‘Le Monde’’, 10 février). Les deux usines devraient produire, respectivement, 170 000 et 50 000 véhicules par an. Et les mêmes modèles bas de gamme : Symbol, Logan et Sandero. Dans ces deux marchés à fort potentiel de croissance, le groupe a fait écouler, en 2009, respectivement, 37 100 unités (dont 18 100 Dacia) et 39 000 (dont 17 000 Dacia).
«Nous avons visé au départ une usine aux meilleurs standards mondiaux pour pouvoir exporter à partir de cette base dans le monde entier. Nous avons pris comme référence chez Renault la production en Roumanie qui fabrique la Logan et en Turquie qui fabrique la Clio. L’usine au Maroc arrivera à un coût inférieur». C’est en ces termes que Carlos Ghosn, le dirigeant de Renault-Nissan, présente l’usine «la plus compétitive au monde» que son groupe est en train de construire au Maroc.
Dans ce pays, la marque losange détient 80% du capital de l’usine Somaca, à Casablanca, premier constructeur automobile du pays et détenteur de 30% du marché local, qui assemble des Kangoo (depuis 1999), des Logan (depuis 2006) et des Sandero, berline compacte de Dacia, une marque du groupe Renault (depuis 2009).
L’usine Renault à Tanger, est construite sur un terrain de 300 hectares, dans une zone franche, aménagée et équipée, reliée par une voie routière et par une ligne ferroviaire spéciale à un quai du port de Tanger-Med, bientôt le plus grand port de conteneurs du Maroc. Elle est réalisée en partenariat avec l’Etat marocain pour un investissement de 600 millions d’euros, avec une première phase à 350 millions d’euros. «C’est le plus gros investissement réalisé ensemble par Renault et Nissan», souligne Ghosn. Qui prévoit, en supplément, un «investissement spécifique» compris entre 200 et 400 millions€, en fonction de la variété des véhicules produits.
L’usine de Tanger devra employer 4 000 personnes directement et 24 000 indirectement, notamment chez les équipementiers. Ce qui fera de Renault l’un des principaux employeurs industriels de la région de Tanger.
Le site démarrera avec deux modèles grâce à une ligne (30 véhicules par heure) d’une capacité de 170 000 véhicules par an avec une extension prévue deux ans plus tard. Les premières voitures bonnes pour la vente seront livrées en janvier 2012. A terme, la capacité de l’usine sera de 400 000 unités par année. 90% de la production seront dédiés au marché européen et mondial, et 10% au marché marocain, d’Afrique du nord, du Moyen-Orient voire de quelques pays d’Afrique.
Dans l’Algérie voisine, Renault projette de créer une unité d’assemblage de trois modèles de véhicules bas de gamme : la Logan et la Sandero (de la marque Dacia, la filiale roumaine de Renault) et la Symbol (une berline actuellement fabriquée en Turquie).
Le constructeur français a confirmé, le 11 février, qu’il travaillait à un projet de construction d’un site d’assemblage de véhicules en Algérie, qui lui permettrait d’éviter de payer des droits de douanes trop élevés. «Ce n’est qu’un projet. Rien n’a été conclu», a précisé directeur général délégué du groupe, Patrick Pelata, en marge d’une présentation des résultats 2009 du constructeur. Les discussions sont toutefois bien avancées, mais «tant qu’une négociation n’est pas conclue, il n’y a rien à dire», a-t-il dit. Ces discussions, engagées depuis octobre 2009, sont menées, côté algérien, sous l’égide d’Adelhamid Temmar, ministre de l’Industrie et de la Promotion de l’investissement.
L’usine viserait à produire «une grande partie de ce que l’on vend» en Algérie, a ajouté Patrick Pelata. L’objectif est donc d’éviter les taxes élevées d’importation qui existent en Algérie, où Renault a «des volumes suffisants pour faire une usine». «Ce n’est pas pour faire des réexportations», a-t-il tenu à souligner.
Selon ‘‘Le Monde’’, l’usine serait implantée sur le site où une entreprise publique locale, la Société nationale des véhicules industriels (SNVI, l’héritière de Berliet), construit des camions et des autobus. Elle devrait produire, dans une première phase, quelque 50 000 véhicules chaque année, tous destinés au marché algérien. Le montant de l’investissement, non encore divulgué, devrait s’élever à plusieurs dizaines de millions d’€. Le groupe automobile sera associé, comme la loi algérienne l’impose depuis l’été 2009, à un partenaire local, majoritaire de surcroît à hauteur de 51%. Il s’agira, en l’occurrence, de la SNVI qui mettra son site à la disposition du projet. Celui-ci devra recevoir le feu vert du Comité national de l’investissement (CNI), une structure interministérielle.
En implantant une usine d’assemblage à Alger, même pour des modèles bas de gamme, Renault cherche à consolider sa place de numéro un sur le marché automobile algérien, le second sur le continent noir, après l’Afrique du Sud. Avec 56 000 véhicules vendus en 2009, dont 39 000 sous la marque Renault et 17 000 sous l’étiquette Dacia, le groupe français contrôle à peu de choses près le quart de ce marché.
Pour l’Algérie, qui souhaite développer une filière automobile nationale, mais n’arrive pas à trouver des partenariats internationaux dans ce domaine, ce projet pourrait constituer un premier jalon dans un processus industriel qui prendra progressivement de l’ampleur.
C’est, en tout cas, ce qu’espèrent les responsables algériens, à la recherche de moyens permettant de réduire la facture des importations de véhicules, qui a atteint, en 2007, le pic de 3 milliards de $US, dont 90% ont été importés par des concessionnaires de sociétés étrangères. Quel meilleur moyen, en effet, que de fabriquer sur place une bonne partie des véhicules qui grossissent, chaque année, le parc automobile local ?
H.K