Les responsables des points privés de collecte de matière plastique recyclable, agissant en qualité de fournisseurs de l’Anged, se plaignent de l’anarchie qui règne dans cet établissement public en raison des grèves.
Par Imed Bahri
Les points privés de collecte sont liés par une relation contractuelle avec l’Agence nationale de gestion des déchets (Anged), en vertu d’une convention définissant les obligations et droits des deux parties, et ce dans le cadre de la filière Ecolef, un système public de reprise et de valorisation des emballages lancée en 2005.
Tunis, ville crasseuse. Photo Khemaies Khayati
Les enquêtes sur la corruption
Les responsables de ces points de collecte se plaignent aujourd’hui de la grève qui se prolonge depuis le 2 janvier au sein de l’Anged, et dénoncent le laxisme du ministère de l’Environnement, qui n’est pas parvenu à régler les problèmes en suspens, en dépit des multiples réunions entre les professionnels et certains hauts cadres de ce ministère.
«Nous les tenons responsables des pertes que nous enregistrons chaque jour et qui ne cessent de croître», explique à Kapitalis Sameh Mlika, ingénieur agronome qui dirige un point privé de collecte Ecolef à Ben Arous, au sud de Tunis.
«Les parties encourageant au trouble au sein de l’agence sont impliquées dans des affaires de malversation », note Sameh Mlika. «Il est injuste qu’on continue à nous utiliser comme boucliers pour faire l’impasse sur les dossiers récemment dévoilés», ajoute notre correspondant.
Parmi les responsables accusés de malversation, l’ancien directeur général de l’Anged, Mounir Ferchichi. Cet Rcdiste notoire, membre du Comité central de l’ancien parti au pouvoir, qui était très proche de Sakher El Materi, le gendre préféré de Ben Ali, a été «dégagé» au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011. Son successeur, Adel Ketat, un homme compétent intègre, haut cadre de l’agence, a commencé par ouvrir certains dossiers de corruption au sein de l’agence. Soutenu dans son œuvre d’assainissement – et c’est le cas de le dire – par Ridha Jallali, l’ancien ministre de l’Agriculture et de l’Environnement, il s’est décidé de mettre en arrêt de travail les responsables soupçonnés de corruption en attendant de les faire comparaître devant un conseil de discipline. Il a décidé aussi, avec l’accord de sa tutelle, de mettre fin au détachement d’autres responsables, venus d’autres ministères, et soupçonnés également de corruption. Il ne fallait pas plus pour qu’une cabale soit montée contre M. Ketat, qui a été évacué, le 22 décembre, de son bureau, sous la protection de la force publique, car il était menacé par les grévistes. Aujourd’hui, le siège de l’agence est livré à l’anarchie des faiseurs de troubles, M. Ketat continuant de parer au plus urgent dans un bureau de fortune au siège du ministère.
Logo Anged
La nouvelle ministre en charge de l’Environnement, Memia Al Banna, a préconisé le débat et la négociation. Elle a délégué certains de ses collaborateurs pour discuter avec les grévistes et entendre leurs doléances. Les deux parties ne sont pas arrivées à un accord. Et la grève continue. Selon un cadre syndical – les trois centrales ouvrières sont actives dans l’agence : Ugtt, Cgtt et Utt – qui a requis l’anonymat, les grévistes sont manipulés par des cadres de l’agence qui redoutent la poursuite des enquêtes sur la corruption qui gangrénait l’agence sous l’ancien système. Certains de ces directeurs faisaient leur miel, indirectement, des financements de l’agence via des sociétés privées enregistrées aux noms de leurs proches.
Accumulation des pertes
L’agence, dont le budget annuel s’élève à 100 millions de dinars (MD) emploie, directement, 750 personnes entre cadres et employés et, indirectement, à travers ses divers programmes, des dizaines de milliers à travers tout le pays. Ces programmes, comme Ecolef, sont financés par l’Etat et par des bailleurs de fonds internationaux, notamment la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement (Bei) et la Gtz (la coopération technique allemande). «Les experts de ces institutions ne peuvent plus accéder à l’agence pour faire leur travail de suivi des programmes en cours. Ce qui risque de porter un coup à la crédibilité», déplore le responsable syndical.
La grève au sein de l’Anged cause des pertes matérielles à la trésorerie des points privés de collecte, affectée par le manque à gagner quotidien du aux quantités stockées et non livrées dans leurs dépôts, un impact environnemental causé par les déchets non enlevés par les collecteurs suite à cette surcharge des dépôts et un impact social avec le non payement des collecteurs suite au retard de paiement des factures échues par l’Anged.
Pour faire valoir leurs droits, les responsables des points de collecte se préparent à lancer une action de justice contre l’agence et en appellent à la responsabilité du ministère de l’Environnement pour mettre de l’ordre dans cette cacophonie qui ne profite, pour le moment, qu’aux personnes qui cherchent à créer un écran de fumée pour cacher leurs forfaits passés.