Dans un discours d’une trentaine de minutes, Christine Lagarde, qui s’exprimait, jeudi matin, au siège de l’Utica, a réitéré aux chefs d’entreprises et aux banquiers son souhait «de restauration de la confiance des investisseurs tunisiens et étrangers.»
Par Samantha Ben-Rehouma
Cet appel, lancé en présence de Wided Bouchamaoui, présidente du patronat, reflète bien l’appréhension des entreprises qui attendent toujours le fameux déclic pour relancer la machine économique. En effet, fini le temps où la Tunisie était le bon élève du Fonds monétaire internationale (Fmi) pour des performances remarquables de croissance générées et où Dominique Strauss-Kahn, prédécesseur de Mme Lagarde à la tête de cette institution financière internationale, chantonnait, lors de sa visite en 2008, «tout va très bien Madame La Marquise».
Christine Lagarde à son arrivée à l'Utica.
Les conséquences de la crise euro
Aujourd’hui, et même si le réveil a été brutal, la Tunisie doit faire face au déséquilibre régional, à une croissance négative (- 0,5%) et un taux de chômage à 18%. Ajoutez à cela l’insécurité et vous comprendrez pourquoi les acteurs économiques et sociaux tunisiens sont au bord de la crise de nerfs !
La Grèce, l’Espagne, le Portugal… autant d’exemples de pays européens actuellement très mal en point. Cet épicentre d’une crise qui n’en finit pas de finir, ébranle non seulement l’équilibre financier de l’Europe mais de tous ses partenaires économiques et donc de la Tunisie, qui réalise entre 70 et 80% de ses échanges avec le Vieux Continent. Néanmoins, la Tunisie dispose d’une marge de manœuvre avec une facilité de protection contre les chocs d’origine exogène ou endogène, notamment avec un taux d’endettement public relativement faible (40% du Pib), souligne Christine Lagarde. Ce qui est loin d’être le cas pour la Grèce qui, à titre d'exemple, enregistre 180% du Pib.
Ahmed Masood, Kamel Nabli, Christine Lagarde et Wided Bouchammaoui.
Le Fmi version 2012
«Le Fmi version 2012 est différent de celui des années 80. Il est et sera toujours un partenaire prêt à soutenir la Tunisie. Certes les autorités tunisiennes ont été réceptives à cette offre même si elles n’ont pas jusqu’à présent sollicité de prêt. A ce propos, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct), Mustapha Kamel Nabli, a expliqué que la demande d’un éventuel prêt dépendra du budget de l’Etat et d’une loi de finances (qui sera votée prochainement).
«Le Fmi, qui compte 187 Etats dont la Tunisie, formule des recommandations et fournit du soutien financier. Cela dit et au vu des évènements politiques mondiaux, nous sommes extrêmement attentifs aux problèmes sociaux qui sont liés au bien-être économique du pays car une croissance mieux partagée est une croissance durable», précise sa directrice. Elle ajoute : «Entendons-nous : je ne suis pas là pour m’immiscer dans les affaires internes du pays, ou pour jouer au gendarme en dictant ce que le pays doit faire. Non, mon rôle est de dire si les promesses faites ont été appliquées pour que nous puissions améliorer la situation économique du pays. Le Fmi est juste soucieux des équilibres budgétaires et financiers (la transparence des transactions financières notamment bancaires) et de la stabilité économique et sociale.»
Ahmed Masood
Accompagnée d’Ahmed Masood, directeur au département Moyen-Orient/Asie Centrale, Christine Lagarde a tenu à commencer sa tournée du Moyen-Orient par la Tunisie. «La dernière fois que j’étais venue, ce fut en tant que ministre des Finances. Depuis les choses ont changé pour vous et moi puisque c’est ma première visite en tant que directrice du Fmi et quand je vois ce qu’a fait la Tunisie avec la révolution de Jasmin et l’effet domino qu’il y a eu pour les autres pays arabes, j’ai envie de vous citer Khalil Gibran : ‘‘Fiez-vous à vos rêves, car en eux est cachée la porte de l’éternité.’’»
Commentaire d’un homme d’affaires tunisien, déçu et incrédule : «Merci Mme Lagarde pour le rêve, reste que la réalité est, aujourd’hui, pour le peuple comme pour ses dirigeants, plus proche du cauchemar».