Le Groupe de la Banque mondiale (BM) a exprimé, une nouvelle fois, son engagement pour soutenir la transition démocratique de la Tunisie lors de discussions qui se sont finalisées samedi, à Tunis.

Par Marouen El Mehdi


Ces discussions ont porté sur l’appui technique et financier que l’institution peut offrir pour aider la Tunisie à rétablir son économie et son effort à renforcer la gouvernance ainsi que de favoriser l’inclusion économique et sociale.

Inger Andersen, la responsable de la BM pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord était en visite en Tunisie, vendredi et samedi, et elle a eu des entretiens avec les membres du Gouvernement. La vice présidente de la BM a, en effet, été reçue par le chef du Gouvernement Hamadi Jebali, le ministre des Finances Houcine Dimassi, le ministre pour l’Investissement et la Coopération internationale Riadh Battaieb, le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle Abdelwaheb Mâatar, le ministre de la Planification et du Développement régional Jamelddine Gharbi, et Sihem Badi, ministre de la Femme et de la Famille, ainsi que le gouverneur de la Banque Centrale et Mustapha Kamel Nabli et le président de l’Assemblée Constituante, Mustapha Ben Jaâfar. Elle a également eu des entretiens avec des dirigeants d’importantes institutions du secteur privé et des organisations de la société civile incluant des associations de femmes et des groupes de jeunes.

Une flamme d’optimisme

Le thème de la création d’emplois était revenu, on l’imagine, en continu à travers toutes les discussions, plus particulièrement dans les régions à qui avaient été accordées moins d’appui par le passé et pour les jeunes diplômés de l’université.

Lors d’un point de presse, samedi après-midi, elle a dévoilé la stratégie de la BM envers la Tunisie sur le court et le moyen terme.

«Ça a été une source d’inspiration de visiter la Tunisie durant cette période critique alors qu’elle émerge en tant que démocratie», a dit Andersen. «Les actions des Tunisiens ont allumé une flamme d’optimisme que nous devons tous nourrir et la Banque mondiale est fière de soutenir la transition de la Tunisie. Nous comprenons les pressions énormes sur les autorités pour répondre aux attentes de la population. La Banque est résolue dans son appui à la Tunisie dans sa quête pour une meilleure gouvernance, étant donné qu’une économie ouverte et transparente est critique pour le pays et la région. Je suis convaincue que d’autres partenaires de développement ressentent la même chose».


Inger Andersen

Mme Andersen, qui a dirigé la délégation accompagnée par Simon Gray, directeur pour les pays du Maghreb, et Eileen Murray, représentante résidente de la BM en Tunisie, a affirmé avoir eu plusieurs rencontres et pris connaissance de la réalité des choses dans un pays en pleine métamorphose mais qui ne manque pas de foi et de confiance en l’avenir. Quelles sont les préoccupations majeures du pays ? Mme Andersen a souligné les priorités : emploi, plus de solutions pour venir en aide aux régions défavorisées, développement de l’économie, amélioration de la croissance et nécessité de l’implication du secteur privé dans ces efforts de développement. Elle a surtout insisté sur la bonne gouvernance et la transparence pour instaurer un climat de confiance entre tous les intervenants.

Priorité à l’emploi

La Tunisie a bénéficié d’un appui considérable de la part de la BM et de la Banque africaine de développement (Bad), affirme Mme Andersen qui cite le chiffre de 500 millions de dollars d’engagement financier au cours de l’année 2011 pour chacune des deux institutions : «Le Gouvernement provisoire avait besoin d’aide pour sortir le pays d’une situation économique très préoccupante et la BM lui a accordé une aide en accord avec d’autres institutions financières mondiales. Nous avons tenu à accélérer les choses car le besoin le nécessitait.

En plus, la Tunisie a souvent eu de très bons rapports avec la BM et nous espérons voir ce pays assurer le plus tôt possible un développement économique évident. Le pays dispose d’excellentes institutions, d’un esprit entrepreneurial, d’un environnement commercial important et d’une population homogène malgré une certaine pauvreté. Tous ces facteurs positifs, en plus d’autres facteurs extérieurs positifs, de par la position géographique du pays, permettent d’espérer un accroissement rapide de l’économie pour atteindre, dans le court délai, la moyenne de +1 ou même +2 alors qu’elle flirte actuellement avec -1. Il s’agira d’un premier pas très important à condition de voir toutes les parties concernées s’impliquer dans cet effort, surtout dans l’environnement des affaires et le soutien aux petites et moyennes entreprises. Dans notre stratégie, nous axons essentiellement sur l’emploi sans délaisser les autres préoccupations.»

«Nous faisons confiance à M. Jebali»

Mme Andersen n’a pas manqué de parler de corruption, longtemps considéré comme le talon d’Achille de la Tunisie sous Ben Ali : «Il est vrai que le pays a souffert de ce fléau au cours des dernières décennies, mais il est temps d’imposer plus de transparence et la société civile aura un rôle important à jouer dans ce domaine», a-t-elle estimé. Et d’ajouter : «Un meilleur accès à l’information s’impose pour mieux contrôler la situation et la BM œuvrera, grâce à son programme Star, à venir en aide aux pays victimes de corruption pour récupérer le maximum d’argent détourné.»

Dans ce cadre, la Banque Mondiale a négocié, l’année dernière, avec le gouvernement Caïd Essebsi, alors qu’à présent, un autre gouvernement est en place avec de nouvelles idées, idéologies et stratégies. Ceci va-t-il influencer la politique de la BM envers la Tunisie ? La haute responsable de la BM a semblé rassurée : «Nous avons eu des contacts puis des entretiens avec les responsables du gouvernement actuel et j’ai pu m’assurer, en discutant avec M. Jebali, que l’objectif majeur sera d’instaurer une plus grande transparence, en plus de l’ancrage d’une réelle démocratie et de réformes politiques positives. Ces orientations, nous les avons également perçues en discutant avec les différents intervenants dans les domaines de l’économie, du développement régional, des droits de la femme et d’autres secteurs et nous attendrons l’élaboration de la nouvelle loi de finances complémentaire pour mieux nous situer.» Et Mme Andersen de conclure sur le même ton délibérément optimiste, comme pour rassurer aussi ses interlocuteurs tunisiens sur la rectitude de leurs orientations actuelles : «Nous sommes conscients que chaque gouvernement qui succède à une révolution ou à une transition doit faire face à de grandes attentes. La navigation, actuellement, n’est pas aisée, mais avec une bonne coordination des efforts, l’avenir ne peut être que meilleur.»

Il convient de préciser que la BM est en cours d’élaboration d’une note de stratégie intérimaire qui reflétera les consultations déjà effectuées en Tunisie ainsi que d’autres rencontres qui sont en cours ou prévues, et ce afin de guider le programme de soutien à la Tunisie pour les deux prochaines années. La banque a conduit à travers la Tunisie et les régions les plus démunies un grand nombre de discussions avec une large palette de groupes hétérogènes de la société civile.