Le dictateur tunisien Ben Ali a engagé le pays dans une zone de libre-échange avec l’Union européenne. Les échanges commerciaux que cette zone génère profitent à l’Europe et appauvrissent la Tunisie.
Par Mehdi Khodjet El Khil
D’après le document intitulé «EuroMediterraneanstatistics», on peut constater que l’Europe à 27 représente 79,3% des exportations de la Tunisie. Mais peut-on réellement qualifier l’Europe de partenaire efficace pour le développement économique de la Tunisie ? Quelles sont les conséquences des échanges commerciaux de la Tunisie avec les pays développés, dont l’Europe ? Quelle est la nature des échanges commerciaux de la Tunisie ; quels sont leur évolution et leurs conséquences sur la balance commerciale ? Telles sont les questions auxquelles cet article tente de répondre.
Les échanges commerciaux de la Tunisie avec l’Europe
Si 79,3% des exportations tunisiennes sont expédiées en Europe, on peut observer, en consultant les donnée d’Eurostat, que seuls 0,8% des échanges commerciaux de l’Europe sont réalisés avec la Tunisie. Cette disproportion s’explique notamment par les volumes d’échanges de l’Europe qui sont bien plus importants que ceux de la Tunisie.
Lorsque l’on regarde de plus près ces échanges commerciaux, on s’aperçoit rapidement que la balance commerciale de l’Europe est toujours positive et celle de la Tunisie toujours négative. Dans ces conditions on peut considérer que la Tunisie est un réel partenaire de l’Europe qui permet son enrichissement, contrairement à l’Europe qui elle ne conduit pas à l’enrichissement de la Tunisie mais bel et bien à son appauvrissement du fait d’une balance commerciale toujours négative.
Les échanges commerciaux de la Tunisie avec les pays développés
Si l’on s’intéresse maintenant à la base de données de la Banque Mondiale, on peut observer l’évolution des échanges commerciaux tunisiens avec les pays développés.
On peut constater une moyenne voisine de 80% et précédemment nous avons pu voir que les pays européens sont majoritaires dans les échanges commerciaux de la Tunisie. On observe depuis 2002 une diminution des volumes d’échanges aussi bien au niveau des importations que des exportations. Cependant, comme le montre la figure suivante, le déficit de la balance commerciale se creuse pour atteindre environ 8 milliards de dinars tunisiens (TND) pour l’année 2010.
Ainsi, on peut conclure que la Tunisie est un partenaire de la croissance économique des pays développés et ce, quels que soient les volumes d’échanges. Inversement, les économies développées appauvrissent la Tunisie par deux biais : d’une part, ils entretiennent le déficit commercial du pays, et d’autre part, ils endettent la Tunisie pour que celle-ci puisse financer son déficit.
Évolution de la nature des importations et exportations tunisiennes
Dans les figures suivantes, on peut analyser l’évolution de la nature des importations et exportations tunisiennes dans le monde, exprimée en pourcentage des échanges.
En ce qui concerne les exportations, on constate une nette augmentation au profit des produits manufacturiers et au détriment de toutes les autres catégories que ce soient les matières premières agricoles, l’alimentaire, le pétrole ou les minerais et métaux. La question que l’on peut se poser est la suivante : est-ce que ces exportations de produits manufacturés profitent à la Tunisie ? Considérant que ce sont des industries étrangères implantées en Tunisie qui génèrent ces exportations essentiellement à leur profit, on peut considérer que ces exportations ont très peu d’impact sur l’économie tunisienne car les droits de douane qui leur sont appliqués sont quasiment nuls.
En ce qui concerne l’importation, on constate la forte proportion des produits manufacturiers, catégorie en augmentation par rapport aux autres. Ce constat est grave car il illustre la dépendance de la Tunisie aux produits manufacturés d’importation qui se fait au détriment de son industrie locale et surtout nationale.
Par ailleurs, on peut constater une aberration monstrueuse concernant le pétrole : comment se fait-il que la Tunisie soit en même temps importatrice et exportatrice de pétrole ? Cette question fera l’objet d’une analyse dans un article à part entière.
Dans ce graphique on observe que pour l’année 2010, les produits pétroliers et les vêtements constituent la majorité du déficit de la balance commerciale de la Tunisie. Ce constat amène une conclusion : le déficit peut être évité, d’une part en limitant les exportations de produits pétroliers tunisiens pour subvenir aux besoins du pays, et d’autre part en investissant dans l’industrie manufacturière textile locale, ce qui sera source d’emplois et de revenus.
Dans son document, l’Union européenne se félicite de la zone de libre-échange établie entre elle et la Tunisie ; je cite : «La Tunisie a été le premier pays méditerranéen à signer un accord d’association avec l’UE en juillet 1995, bien que, même avant la date de son entrée en vigueur, la Tunisie ait commencé à démanteler les tarifs pour son commerce avec l’UE. La Tunisie a finalisé le démantèlement tarifaire pour les produits industriels au 1er janvier 2008, étant ainsi le 1er pays méditerranéen pour lequel une zone de libre-échange avec l’UE est en vigueur.»
L’Union européenne peut se féliciter et pour cause, elle est gagnante sur tous les points dans l’établissement de cette zone de libre-échange. Du côté tunisien, on peut constater, que grâce à Ben Ali, la Tunisie est perdante à tous les niveaux.
Comparaison avec le Maroc et l’Algérie
Pour terminer, et à titre d’exemple, j’ai voulu comparer la répartition des échanges commerciaux extérieurs de la Tunisie avec ceux du Maroc, pays très proche de la Tunisie en termes de politique économique extérieure, et ceux de l’Algérie qui diversifie plus sa politique économique extérieure et réduit donc le risque de dépendance à l’Europe.
Conclusion
La Tunisie génère des profits aux pays développés grâce aux importations notamment de produits manufacturés et en pétrole qui ont pour conséquence de creuser le déficit commercial du pays.
Les pays développés et particulièrement l’Europe ne sont pas des partenaires de la croissance économique de la Tunisie car ils entretiennent savamment le déficit commercial et engagent le pays dans un surendettement pour assurer la solvabilité des échanges.
Bien que les volumes des échanges européens avec la Tunisie représentent moins de 0,8% du commerce international de l’Union européenne, ces échanges ne profitent qu’à l’Europe et appauvrissent la Tunisie.
Le déficit de la balance commerciale peut être réduit sinon éliminé en limitant les exportations de pétrole et en investissant dans l’industrie manufacturière textile ce qui aura pour autre avantage de créer des emplois locaux.
La Tunisie a intérêt à diversifier son commerce extérieur afin de réduire sa forte dépendance à l’Europe en établissant des échanges commerciaux plus sains avec des pays avec qui la Tunisie aura une balance commerciale à l’équilibre voire positive.
Le dictateur tunisien Ben Ali a engagé le pays dans une zone de libre-échange avec l’Union européenne dans laquelle la Tunisie est le partenaire unilatéral de la croissance de la zone «euro».