Une coopération fructueuse avec les pays européens dans le domaine de l’énergie solaire, sur la base d’un échange lumière contre eau, pourrait aider la Tunisie à réaliser ses objectifs de plein emploi.
Par Cheikh Khalifa Med Habib*
Tous les économistes s’accordent à dire que le climat sec de la Tunisie est source de stress hydrique endémique. Cette situation s’est exacerbée en raison du changement climatique. En se référant aux réserves d’eau disponibles pour chaque citoyen, elles ne dépassent pas les 500 mètres cubes par an, alors que ce niveau est censé être au moins de l’ordre de 1.500 m3, quantité nécessaire pour couvrir les besoins ordinaires de l’habitant et faisant de lui un résident autonome sur son territoire.
Le nivellement des rendements agricoles
Ainsi pour répondre à nos besoins annuels en la matière, nous sommes contraint de chercher le complément nécessaires, soit 12 milliards de m3 et ce par le recours à des sources non conventionnelles.
Le constat ci-dessus décrit semble échapper à notre ministre de l’Agriculture, à tel enseigne qu’il déclara, suite au niveau atteint par les réserves de nos barrages après les pluies abondantes de l’hiver dernier, soit 2 milliards de m3, que de telles quantités sont suffisantes pour les trois prochaines saisons agricoles!
Pour en juger il n’y a qu’à se référer, par exemple, à la moyenne quinquennale 2005-2009 des rendements en céréales, qui n’ont pas dépassé 1,35 T/Ha. A titre de comparaison, le rendement en France frôle les 10 T/Ha et les 5 T/Ha en Allemagne.
On peut dire la même chose pour le rendement de nos oliviers: 3 Kg d’huile par pied d’olivier,
Le nivellement et le relèvement des rendements mentionnés sont possibles par un apport hydrique aux champs aux moments idoines. Ainsi ces rendements peuvent être facilement doublés par le recours systématique à l’irrigation d’appoint, nous épargnant au passage une dépense importante en devises allouées à l’importation de grains pour la consommation humaine et animale ainsi que celle d’huile végétale.
Par ailleurs, il faut se rappeler le manque d’eau potable constaté dans certaines régions de la République, surtout dans le sud ainsi que dans les oasis pour l’irrigation.
Image artistique de matrices Csp dans le désert tunisien
La solution du dessalement de l’eau de mer
Alors, comment peut-on s’offrir cette énorme quantité d’eau si vitale pour le pays et la population? La technique dans le domaine de dessalement de l’eau pourra-t-elle venir à bout du manque de cette ressource? Allons-nous pouvoir ainsi mettre fin à notre dépendance alimentaire d’outre mer en améliorant le rendement de nos cultures sur toutes nos terres arables? L’énergie solaire peut-elle être mise à contribution à cet effet?
De telles questions sont devenues d’actualités surtout après la Mère des Révolution de ce siècle, porteuse d’espoir pour tout un peuple assoiffé de liberté et de dignité.
L’exigence de plein emploi ne peut être exaucée que par la mobilisation de toutes les ressources du pays et le recours aux techniques les plus performantes et innovantes en vogue de part le monde.
Aussi notre démocratie balbutiante nous concilie-t-elle avec notre environnement direct ainsi qu’avec nos voisins de la rive nord de la Méditerranée?
En effet, notre quête insatiable pour des nouvelles ressources en eau non conventionnelles n’a d’équivalent que celle de l’Europe en quête aussi insatiable de nouvelles ressources énergétiques, de préférence renouvelables et vertes.
Il faut avoir à l’esprit les risques inhérents à l’usage du nucléaire en la matière ainsi que l’épuisement annoncé des ressources d’énergie fossiles, charbons et surtout pétrole servant à produire de l’électricité!
Par ailleurs, la pression des partis verts a fini par convaincre certains gouvernants européens à renoncer au recours au nucléaire dans la production de l’électricité, à tel enseigne que l’Allemagne a fini par arrêter tout nouveau investissement dans ce domaine faisant d’elle un pays pionnier dans la recherche et le développement des énergies renouvelables surtout le solaire.
Ainsi, on peut dire qu’une véritable autoroute pour la coopération s’est ouverte à notre jeune démocratie afin d’initier un échange équitable avec ces ainées européennes!
Les promesses du projet «TuNour»
Rien qu’à voir l’afflux des délégations européennes qui nous rendaient visite, en début de cette année, cherchant à initier une coopération fructueuse dans le domaine de l’énergie solaire, pour apprécier l’importance de l’opportunité qui nous est offerte à cet effet afin de réaliser nous mêmes les objectifs de notre glorieuse révolution pour le plein emploi!
Une coopération de type gagnant/gagnant semble à porté de main, mais encore faut-il bien la négocier et la saisir.
La dernière délégation d’homme d’affaires, dirigé par l’ambassadeur du Royaume Uni, reçue par le président de la république, le 26 mars dernier, est venu promouvoir le projet «TuNour» pour produire de l’énergie en puisant de notre gisement à ciel ouvert de rayonnement solaire sur le sable de notre étendue désert!
La technique sur laquelle est basé ledit projet est celle de concentration des rayons solaires afin de les utiliser pour produire de la vapeur d’eau à envoyer au cœur de la centrale solaire. Le refroidissement de ladite eau s’effectuant par réfrigération artificielle afin de la renvoyer dans un circuit fermé et ainsi de suite… Cette centrale pourra ainsi produire de l’électricité qui sera acheminé vers 700.000 foyers européens tel que expliqué par ses promoteurs.
Ce projet pionner dans notre pays vise donc à pomper l’énergie solaire du désert pour l’acheminer vers des foyers européens. Il semble ne pas conforter les préoccupations qui sont les nôtres en matière de production d’eau dessalée.
Une autre technique existe consistant à ériger pareille centrale telle que promue par le projet évoqué «TuNour» mais faisant recours au refroidissement de la centrale par l’eau de mer.
Basée sur un Km² de miroir réfléchissant, alimentée en eau de mer pour le refroidissement et, incidemment, en vue de dessalement, une telle centrale peut produire 250Mkw/h/an et 60 millions de m3/an d’eau potable dessalée!
Ainsi, une pareille technique, malgré «le maigre» résultat d’eau fournie (5 pour 1000 de nos besoins) semble nous ouvrir la voie royale vers la réalisation des objectifs visés, et ce en ayant recours à nos compétence scientifiques pour en améliorer le rendement et faire au moins que sa production électrique en Mkw soit équivalente en Mm3!
Tracé du projet TuNur
La coopération avec les voisins du nord
Par ailleurs les 60 M de m3 représentent déjà le quart de ce que distribue la Sonede pour les ménages abonnés et ce pour une année! Quantité très utile pour le tiers sud du pays et suffisante pour couvrir les besoins d’au moins 700.000 foyers, à l’instar de leur homologues européennes pour l’électricité!
Il est donc opportun de poursuivre la coopération avec nos voisins du nord sans perdre de vue nos objectifs de développement durable et équitable. Pour ce faire, une règle d’équité est à mettre en œuvre: lumière contre eau!
En fait, il s’agit d’extraction d’énergie d’un gisement à ciel ouvert, où la compagnie étrangère sera traitée comme une compagnie pétrolière: le résultat de son exploitation sera réparti comme suit: pour la Tunisie, un m3 d’eau contre un Kw à concurrence de la quantité d’eau dessalée fournie, le reste de Kw produit et non couvert par le troc précédent sera répartie 50%-50% entre la compagnie et la Tunisie.
Par exemple pour la centrale décrite produisant = 250MKw/h/an+60Mm3, la compagnie aura = 60+ (250-60)/2 soit 155 Mkw/h/an et la Tunisie 95 Mkw/h/an et 60 Mm3 d’eau dessalée.
Ainsi, vu le besoin pressant en électricité propre des pays européens, leurs compagnies vont se hâter pour améliorer la technique afin de nous permettre d’avoir les 12 milliards de m3 demandés.
On aura ainsi établi des relations stratégiques durables et apaisées, fourni de l’emploi à nos jeunes tout en les réconciliant avec le milieu naturel, tari les sources de l’immigration clandestine, stoppé l’avance du désert en faisant de nos prairies un vivier d’écologie et de production durable amie de l’environnement … et fait de la Méditerranée un havre de paix pour les peuples l'entourant.
* Ancien Pdg.