Le président du Conseil supérieur des banques islamiques (Csbi) Husseïn Hamid s’est dit prêt à financer les grands projets d’infrastructure prévus en Tunisie.

Par Wahid Chedly


Le gourou de la finance halal offre ainsi une bouée de sauvetage inespérée au gouvernement, dominé par les islamistes d’Ennahdha, et un bel exemple de solidarité sonnante et trébuchante entre frères en islam.

Le président du Csbi et co-fondateur de  la majorité des établissements financiers conformes à la chariâ dans les pays du Golfe et au Royaume-Uni, cheïkh Husseïn Hamid, a annoncé, mercredi, sa prédisposition à financer les grands projets prévus par le plan de développement élaboré par le gouvernement tunisien.

Se financer sans s’endetter: est-ce possible?

«Nous souhaitons assurer les  financements des projets de développement figurant dans l’ambitieux plan de développement élaboré par le gouvernement issu des premières élections démocratique en Tunisie et plus particulièrement les grands projets d’infrastructure», a déclaré M. Hamid, lors d’une conférence de presse tenue à l’issue de sa visite de trois jours en Tunisie.

Accompagné par le Tunisien Abdelilah Melki, un jeune loup de la finance islamique installé à la City de Londres et président du conseil d’administration de la  banque islamique Development Bank Limited, Husseïn Hamid Hassan, de son nom complet, a notamment eu de nombreux entretiens avec le Premier ministre tunisien Hamadi Jebali ainsi qu’avec plusieurs autres ministres chargés des dossiers économiques, dont le ministre des Finances, Hassine Dimassi, et le ministre de l’Investissement et de Coopération internationale, Riadh Bettaïeb. «Nous avons proposé à ces responsables de recourir à un produit financier islamique bien particulier, en l’occurrence  les sukuks souverains qui permettent  aux Etats de financer des grands projets d’infrastructure comme les aéroports, les ports, les autoroutes et les chemins de fer sans faire appel à l’endettement classique qui constitue un fardeau pour les générations futures», a précisé M. Hamed, notant que l’écrasante majorité des projets d’infrastructure à Dubaï, en Turquie et en Malaisie ont été réalisés grâce aux sukuks.

Tunis pourrait devenir une place pour la finance islamique, estiment les participants.

Un cadeau providentiel à Ennahdha…

Considéré comme étant le «père» de la finance islamique dans la mesure où il a été l’initiateur des premières banques respectueuses de la chariâ au Moyen-Orient durant les années 70, le cheïkh Husseïn a indiqué que l’Etat qui émet des sukuks souverains gagne à tous les coups. D’autant plus que la banque assume seule les risques que comporte le projet.

Selon lui, la banque islamique détentrice d’un sukuk finance entièrement le projet qui doit être obligatoirement licite. Elle reçoit en contrepartie une part du  profit attaché au rendement du projet, connue d’avance pendant une période bien déterminée. A l’expiration de cette période régie par un contrat de type Musharaka (participation), l’Etat restera l’unique propriétaire du projet.

Autre avantage: le sukuk souverain ne rentre pas dans le calcul de la dette publique.

Par ailleurs, le  président du Csbi, qui gère des établissements «Charia Compliant» ayant servi des sukuks souverains d’un montant global de 106 milliards de dollars au cours des quatre dernières années seulement, a fait savoir que «le gouvernement tunisien s’est montré favorable au recours aux sukuks souverains pour financer son ambitieux plan de développement économique».  Ce mode de financement jamais expérimenté en Tunisie auparavant constitue, en fait, une bouée de sauvetage offerte au gouvernement qui a eu récemment toutes les peines du monde à mobiliser les ressources nécessaires au budget de l’Etat 2012.

Le cheïkh Husseïn Hamid Hassan, qui avait entamé sa carrière comme professeur de droit islamique à l’Université du Caire, cherche-t-il à prêter main forte à ses frères en islam, en l’occurrence les islamistes d’Ennahdha  qui dominent le gouvernement? «Je veux servir la Tunisie loin des luttes idéologiques et non pas donner un coup de main aux islamistes d’Ennahdha», a-t-il lâché…

Alternative crédible au capitalisme…

Président des comités de supervision de 27 banques islamiques, dont la Banque islamique de développement (Bid) et Dubaï Islamic Bank, le cheïkh d’origine égyptienne estime, d’autre part, que la finance conforme à la chariâ constitue la seule alternative crédible au capitalisme sauvage qui a montré, selon lui, ses limites. «A l’heure où le système capitaliste court inexorablement à sa perte comme le montre les crises financières successives et la montée en flèche de la dette publique des principaux pays développés, la finance islamique constitue l’unique voie de salut pour la planète. D’autant que les produits financiers halal sont obligatoirement adossés à des actifs tangibles, ce qui écarte de facto l’apparition de bulles spéculatives gonflées à outrance par des titres titrisés et des produits dérivés n’ayant aucune existence dans la sphère économique réelle», martèle-t-il.

Le baron de la finance islamique et conseiller de plusieurs chefs d’Etat précise également que la finance respectueuse de la chariâ est bâtie sur des valeurs morales indéniables dans la mesure où elle brandit ses principes comme autant de vaccins préventifs: interdiction de l’usure (riba), de la spéculation (gharar), de l’incertitude des ventes (mayssar) et du financement d’activités illicites telles que l’alcool, la viande de porc, la pornographie, les armes ou les jeux du hasard.