La dégradation de l’image globale des hôtels en Tunisie a eu plusieurs conséquences, dont une baisse globale des tarifs hôteliers, quelle que soit leur gamme. Comment réagir pour remonter la pente?

Par Maher Gordah


La Tunisie, comme beaucoup d’autres pays de la rive sud de la Méditerranée, comptent essentiellement sur les revenus du secteur touristique pour stimuler le développement de leur économie. Ce qu’on peut constater c’est que malgré des progrès significatifs qui ont été enregistrés dans le pays, les résultats restent modestes au regard des espoirs placés dans ce secteur. En effet, une des explications souvent évoquées c’est sa spécialisation dans le tourisme balnéaire bas de gamme.

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Un avantage comparatif qui n’en est plus un

Ce choix apparaît ainsi comme rationnel au vu de la dotation en ressources naturelles de la Tunisie. Cependant, si on souhaite développer le tourisme et lui intégrer des standards internationaux, cela exigera des investissements assez conséquents, de nouvelles compétences, une connaissance fine de la demande et une maîtrise des métiers déployés le long de la filière (Source: Afd, 2008). Malheureusement, force est de constater que ces diverses ressources ne sont pas toujours disponibles en Tunisie. L’avantage comparatif associé aux dotations naturelles est alors partagé avec des opérateurs étrangers qui maîtrisent ces compétences fondamentales et ces corps de métiers décisifs tels que le transport aérien, l’intermédiation commerciale des agences de voyage, des tours opérateurs et autres distributeurs, ce qui réduit significativement les marges de manœuvre des pouvoirs publics pour influer sur la structure actuelle de la concurrence internationale.

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Des concessions tarifaires suicidaires

Actuellement, le positionnement de l’offre tunisienne accentue les effets négatifs du déséquilibre des forces amont/aval. Le produit balnéaire bas de gamme attire une clientèle caractérisée par une faible propension à dépenser et fait l’objet d’une concurrence internationale très forte entre les différents tours opérateurs, majoritairement originaires des pays émetteurs de touristes. Cette concurrence impose donc la pratique de prix très bas. Ainsi, bousculés par cette concurrence féroce, les tours opérateurs sont obligés d’user au maximum de leur pouvoir de négociation vis-à-vis des partenaires locaux pour leur arracher des concessions tarifaires et rester donc assez compétitifs.

La concurrence sur ce segment de marché, à savoir un produit balnéaire bas de gamme, a de facto pour effet d’exacerber les rapports conflictuels entre l’amont et l’aval de la filière. En effet, on peut constater que les concessions tarifaires obtenues des partenaires locaux permettent à peine de rémunérer leurs efforts pour améliorer la qualité du produit, notamment à travers des dépenses de rénovations des infrastructures, amélioration du service, animations, etc.

Une dégradation de l’image globale de la Tunisie

Cette situation a conduit graduellement à une dégradation de l’image globale de la Tunisie. En effet, la dégradation de l’image des hôtels en Tunisie a eu plusieurs conséquences, dont une baisse globale des tarifs hôteliers, quelle que soit leur gamme.

Comment remédier à cette situation?

L’expérience d’autres régions du monde, à titre d’exemples les îles grecques ou encore certaines zones côtières égyptiennes (notamment Charm el Cheikh), bénéficiant aujourd’hui d’une reconnaissance internationale, incite à penser que les rapports amont/aval deviennent moins conflictuels à mesure que l’on améliore le produit balnéaire.

Selon un document rédigé par des experts de l’Agence française de développement (source: ‘‘La Lettre des Economistes’’, N° 20, 2008), la différenciation peut être obtenue en agissant sur la qualité de l’hébergement, du personnel, du transport, de l’animation, d’activités annexes, etc. Ainsi, quand le produit balnéaire est mieux positionné sur le plan qualitatif, il est susceptible d’attirer une clientèle plus riche, ce qui peut permettre théoriquement de capter une recette plus conséquente et d’améliorer le revenu des acteurs. Signalons que la recherche d’une telle clientèle nécessitera une démarche marketing appropriée et par conséquent des investissements en communication assez importants.

 

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Créer une valeur ajoutée au produit balnéaire

De plus, la mise en place d’un signal de qualité (labellisation, etc.) associée à une stratégie de communication adéquate peut être un moyen d’amélioration de la qualité d’un produit balnéaire. Cela nécessitera des investissements lourds que l’Etat devra prendre en charge, au moins à court terme à travers une politique d’amélioration de la qualité globale (renforcement des critères de notation des hôtels, création d’incitations fiscales et autres mesures pour le diversification des composants du produit touristique), ce qui permettra à terme de pouvoir renforcer la promotion du produit à l’étranger.

D’autres mesures peuvent consister à inciter les tours opérateurs à faire évoluer leur rapport contractuel avec les fournisseurs locaux, en intégrant dans les contrats des clauses relatives à une coordination plus accrue que celle qui existe dans le marché standard à savoir: une conception conjointe d’un produit de qualité répondant à une certaine exigence d’une demande internationale, participation des tours opérateurs aux divers coûts de mise à niveau des prestataires locaux, ou encore l’établissement d’un cahier des charges strict moyennant une rémunération plus appropriée.

Tous ces remèdes ne représentent qu’un sous-ensemble non exhaustif de mesures susceptible d’améliorer la qualité du produit balnéaire tunisien, s’inspirant d’initiatives couronnées de succès comme l’exemple du tour opérateur turc Vasco qui a réussi notamment a créer une valeur ajoutée au produit balnéaire d’Antalya.