La Tunisie fait une remarquable percée en se classant 5e dans la liste des pays d’où l’argent sale des escroqueries est transféré à partir de la Belgique.

Par Wajdi Khalifa, correspondant à Bruxelles


C’est ce qu’indique le rapport d’activités 2011 de la Cellule belge de traitement des informations financières (Ctif) publié, le 4 mai. La Tunisie était pourtant peu présente dans le rapport de 2010.

L’escroquerie ‘‘Sidi Salem’’

Kapitalis a rencontré Jean-Claude Delepière, directeur de la Ctif pour avoir plus d’informations sur la présence de la Tunisie dans ce rapport.

La Ctif est chargée d’analyser les faits et les transactions financières suspectes de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme sur le territoire belge. C’est une autorité administrative indépendante qui intervient en amont pour transmettre ses conclusions au pouvoir judiciaire.

L’équivalent belge de la Commission tunisienne des analyses financières (Ctaf) a donc dressé le premier bilan post révolution tunisienne.

La Tunisie doit sa présence dans le rapport à plusieurs raisons et notamment  aux fraudes liées à l’escroquerie  dénommé ‘‘Sidi Salem’’ par la Ctif. Des individus basés en Tunisie démarchent, par téléphone, un public belge, plutôt âgé, pour l’inciter à acheter du vin prétendument de haute qualité à un prix disproportionné par rapport à celui du marché en Europe. Le vin est effectivement livré par la suite mais la qualité de la marchandise livrée est sans aucune mesure avec la somme déversée par les victimes. Les transactions s’opèrent pour des sommes conséquentes, plusieurs dizaines de milliers d’euros dans certains cas, et ce en quelques mois.

Jean-Claude Delepière.

L’escroquerie de la valise qui ne vient jamais

Les transactions effectuées dans le cadre de l’escroquerie ‘‘Sidi Salem’’ se déroulent majoritairement via les systèmes de transferts de fonds de type «money remittance», c’est-à-dire au travers des opérations effectuées en cash. La cellule a relevé 40 dossiers, en 2011, de ce type avec la Tunisie comme destinations de fonds, pour un montant de 1.095.874 euros.

L’autre variante de l’escroquerie serait le soi-disant gain d’une valise remplie d’argent se trouvant en Tunisie. Pour pouvoir récupérer la valise, la victime va être confrontée à de nombreux frais de dédouanement ou d’avocat. Au fur et à mesure des passages de frontières et du rapprochement de la valise, les frais demandés deviennent plus fréquents et plus conséquents. Au final, la victime n’obtient jamais de valise.

Jean-Claude Delepière, tient à préciser que la Tunisie n’est pas forcément, l’étape finale de l’escroquerie, et il n’est pas à exclure que les commanditaires de ces escroqueries se trouvent en Belgique ou en France, et utilisent la Tunisie comme plate-forme logistique de l’escroquerie via notamment les Call-center.


Rapport 2011 de la Ctif.

Quid des enquêtes relatives aux fonds du clan Ben Ali?

En ce qui concerne les fraudes qui pourraient être liés à la chute de Ben Ali, le directeur de la Ctif se veut très discret, car plusieurs affaires sont pendantes devant les tribunaux belges. La cellule est tenue par le secret professionnel et donc nous n’en saurons pas plus sur l’identité des personnes tunisiennes impliquées dans ces fraudes, mais un dossier de fraude fiscale grave et organisée concerne la Tunisie pour un montant de 11.546.864 d’euros. Ce dossier a été transmis aux autorités judiciaires belges.

Le directeur de la Ctif a voulu conclure en saluant la coopération efficace et efficiente entre la Ctif et la Ctaf, avec laquelle elle a signée un accord de coopération en mai 2011, et qui couvre notamment l’échanges de renseignements. La cellule belge a fait 7 demandes d’information à son équivalente tunisienne, et cette dernière a fait 5 demandes à la Ctif, entre mai 2011 et décembre 2011.