Le coût logistique absorbe environ 20% du Pib national. L’optimisation de la chaîne logistique peut, à contrario, constituer une mine d’or pour notre pays, avec la création de 200.000 emplois directs et des gains de compétitivité.
Par Wahid Chedly
«Et si la solution la plus efficace au fléau du chômage endémique qui frappe de plein fouet la jeunesse tunisienne résidait dans l’optimisation de la chaîne logistique dans ce pays d’Afrique du Nord aux portes de l’Europe qui a été une plaque tournante du commerce méditerranéen pendant plusieurs millénaires?». Posée crûment par Khaled Néji, président de l’Association tunisienne de la supply chain et de la logistique (Aslog-Tunisie), à l’ouverture d’une rencontre d’information consacrée à la présentation de ce nouveau-né du tissu associatif tunisien, cette question a laissé dubitatifs et perplexes la petite quarantaine de professionnels présents dans la grande salle de conférences de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (Iace), le samedi 12 mai.
200.000 emplois directs à l’horizon 2016
Pour appuyer sa stupéfiante assertion et vaincre l’incrédulité de ses hôtes, le fondateur de l’association à caractère scientifique a avancé des arguments massues. «Une étude réalisé en 2008 par la Banque Mondiale a conclu que l’optimisation de la chaîne logistique est en mesure de créer 200.000 emplois directs à l’horizon 2016», a-t-il révélé. Et de renchérir: «En termes d’entrepôts logistiques uniquement, l’institution de Bretton Woods a chiffré les besoins de la Tunisie à un million de mètres carrés (m2), notant au passage que chaque 100 m2 génère 5 emplois directs».
Rappelant que la supply chain, appelée aussi la chaîne logistique globale, va de l’approvisionnement en matières premières chez les fournisseurs à la livraison de produits finis aux clients en passant par le stockage, le président de l’Aslog, a indiqué que Tunisie occupe le 61e rang sur 150 pays dans le dernier indice de performance logistique élaboré par la Banque Mondiale, soit la première position en Afrique du Nord.
Logistique
Un coût logistique exorbitant qui rogne la compétitivité
Bien qu’il occupe le milieu du tableau dans le classement de la Banque Mondiale, le plus petit du Maghreb central a encore du chemin à parcourir dans ce domaine. Et pour cause: le coût logistique en Tunisie a atteint 11 milliards de dinars en 2010, soit 20% du Pib national. A titre de comparaison, les coûts logistiques des pays développés se situent généralement dans une fourchette allant de 10 à 12%.
Sur un autre plan, le coût logistique représente en moyenne générale 19% du chiffre d’affaire d’une entreprise tunisienne. «La chaîne logistique globale est encore à une phase embryonnaire de son développement en Tunisie. Elle souffre encore de défaillances au niveau de tous ses maillons», résume Jacques Moyson, expert et universitaire belge. Cet administrateur de l’Association belge des cadres d’achat et de la logistique souligne aussi que les entreprises tunisiennes n’optimisent pas leurs frais de stockage qui demeurent élevés, tout en faisant état d’un manque de zones d’activités logistiques en bonne et due forme dans le pays.
L’expert belge recommande aux autorités tunisiennes d’optimiser la chaîne logistique du pays, à travers la création de zones logistiques à proximité des ports et à l’intérieur du pays, l’accroissement de la part du transport ferroviaire dans le transport des marchandises et l’incitation des entreprises à externalisation leurs opérations logistiques.
Conteneurs au port de Rades
Des initiatives bridées par le clan Ben Ali-Trabelsi
Expert tunisien en logistique, Mondher Khanfir, a fait savoir, par ailleurs, qu’une chaîne logistique performante offre de précieux gains en termes de compétitivité globale des produits tunisiens. «Toute baisse considérable du coût logistique entraîne inéluctablement une baisse du coût de revient du produit et renforce ainsi la compétitivité de l’entreprise et sa marge de manœuvre face à la concurrence», a-t-il affirmé.
L’Aslog s’est fixé pour principal objectif de sensibiliser, à travers l’échange d’expertises et d’informations, tous les acteurs de la vie économique sur l’importance des performances logistiques dans l’amélioration de la compétitivité des entreprises et de l’économie nationale. Elle entend également réaliser des audits logistiques et organiser des sessions de formation et de recyclage ciblées pour l’ensemble des intervenants dans ce domaine.
«Nous tenterons de rattraper le temps perdu en déclenchant un brainstorming autour de la mise en place d’une stratégie nationale d’optimisation de la logistique. Avant la révolution, toutes les initiatives allant dans ce sens ont été bridées par le clan mafieux Ben Ali-Trabelsi qui avait de gros intérêt à protéger», a précisé Khaled Néji, rappelant que le Maroc a déjà mis en place une stratégie d’optimisation de sa logistique prévoyant notamment la création de 70 zones d’activités logistiques dans 17 villes.
Selon lui, le premier pas que la Tunisie doit franchir n’est autre que la création d’une entité chargée de coordonner les efforts de toutes les administrations et autres organismes concernés de près par le développement de la chaîne logistique.