Comme si l’interminable discussion de la Loi de finance complémentaire 2012 à la Constituante n’a pas suffit, des constituants «démocrates» en rajoutent une couche. Des critiques, certes, mais pas d’idées vraiment révolutionnaires.
Par Abdelmajid Haouachi
La position du «Bloc démocratique» au sein de la Constituante concernant la Loi de finance complémentaire a été au centre d’un point de presse, jeudi, au siège de la Voie Démocratique, la nouvelle coalition de gauche constituée autour du parti Ettajdid.
Quatre membres de l’Anc et dudit Bloc démocratique ont fait part, tour à tour, de leurs appréhensions et critiques de la Loi de finance complémentaire adoptée la semaine dernière par l’Assemblée nationale constituante (Anc).
Nôman El-Fehri pour le Parti Républicain, Mongi Rahoui pour le Mouvement des patriotes démocrates, Salma Baccar et Samir Ettayeb pour la Voie Démocratique concordent dans leurs critiques du document en question et avancent des propositions au gouvernement, histoire de faire preuve de leur bonne volonté. Des propositions assez convenues du reste, et qui ne brillent pas par une grande inventivité intellectuelle. Aucune, en tout cas, ne règle le problème récurrent et central: trouver de nouveaux financements pour les engagements du gouvernement envers les chômeurs, les pauvres et les régions déshérités.
Samir Ettayeb.
Comment créer des emplois?
Rappelant l’impératif de la création des postes d’emploi, Nôman El-Fehri a estimé à 50.000 dinars le coût de chaque nouveau poste. Le nombre des chômeurs étant de 800.000, il faudrait 40 milliards de dinars pour créer des emplois à tous les demandeurs. Mais il ne s’agit là que des chômeurs déjà existant sur le marché de travail. Car, à ceux là, il faut ajouter les vagues des sans emplois qui viennent sur le marché, à une moyenne de 100.000 demandeurs chaque année. A l’évidence, aucun gouvernement n’est en mesure de résorber un tel niveau de chômage en une seule année. Raison pour laquelle notre représentant suggère d’échelonner l’opération de la création de nouveaux postes d’emploi sur 5 années pour un coût annuel de 10 milliards de dinars. Mais toujours faut-il trouver les fonds nécessaires pour cette opération. «Il faudrait arrêter une stratégie de financement de l’emploi», souligne M. El-Fehri. A ce titre, il fait observer que le gouvernement affiche «des défaillances et un manque de réalisme manifeste». Et d’ajouter: «Nous avons proposé au gouvernement de créer un fond spécial pour l’emploi avec des sections régionale, mais notre proposition n’a eu aucun écho du côté de la Kasbah. Selon lui, le gouvernement de Hamadi Jebali ne fait qu’inciter les hommes d’affaires à l’investissement, sans que ses incessants appels ne trouvent d’écho auprès de ces derniers. Et de soutenir que l’article 3 de la Loi de finance complémentaire «ouvre la voie au blanchiment d’argent».
Selma Baccar.
Entre sanctions sévères et indulgentes largesses
De son côté, Salma Bacar a relevé une contradiction dans cette loi entre les articles 3 et 54.
«Alors que l’article 3 stipule de trouver un arrangement avec les repentis parmi les pilleurs de l’argent public, l’article 54 prône, en revanche, une sanction sévère contre toute infraction fiscale ou détournement de fonds publics», dit-elle. Le risque est donc d’aboutir à une politique des deux poids et deux mesures. «Certains tomberont sous l’article 54 alors que d’autres bénéficieront des largesses de l’article 3», dit-elle.
Samir Ettayeb, quant à lui, a insisté sur «l’esprit positif» avec lequel les représentants du Bloc démocratique ont appréhendé la Loi de finance complémentaire. Ce ci étant, il a déploré «l’absence de mesures sociales dans cette loi». Il a à ce titre cité l’exemple des petits paysans et des pêcheurs endettés. «Nous avons vainement tenté de persuader le gouvernement d’annuler les dettes qui ne dépassent pas les 5.000 dinars pour cette catégorie sociale», dit-il. Visiblement sa succès.
A la question de savoir si les représentants du Bloc démocratique ont suggéré au gouvernement d’adopter un impôt d’exception sur la fortune pour renforcer les fonds de développement régional et créer des postes d’emploi, Mongi Rahoui a répondu par l’affirmative. «Nous avons proposé un impôt de solidarité qui s’inscrit dans l’esprit de cohésion et d’entraide dont a fait preuve la révolution. Mais notre proposition est restée lettre morte!», a-t-il déploré.
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