Aymen Gharbi propose ici une analyse, à la fois sémantique et filmique, du second spot publicitaire diffusé par la Banque Zitouna au cours de ce mois de Ramadan. Le cœur a ses raisons…
Le second spot publicitaire diffusé par la banque Zitouna depuis le début du mois sacré musulman montre un couple de clients potentiels entrant dans l’une des agences de la première banque islamique tunisienne pour se renseigner.
Nous voyons ensuite le couple de clients assis devant un agent de la banque qui leur expose les avantages éthiques et économiques du placement de leur argent dans une banque pratiquant la finance islamique.
Cherchez la femme!
Le dialogue qui s’établit est, on l’imagine, argumentatif. On voit un client d’abord désabusé, visiblement déçu par le système bancaire et le bagout des banquiers. Il pose des questions. L’agent lui répond avec toute la clarté requise.
Ce qui frappe dans ce dialogue, c’est le silence de l’épouse. Celle-ci est là sans être vraiment présente. Car elle ne participe pas à la conversation, ne pose pas de question et personne ne lui demande son avis. Même l’agent, soucieux de convaincre, ne daigne lui jeter qu’un regard furtif. Et c’est, de son point de vue, une marque de respect. Tout est question de point de vue, justement…
La femme du spot de la banque Zitouna ne reflète pas exactement l’image que l’on a habituellement de la femme tunisienne, et que les séries télévisées estampillées Samy Fehri et Cactus Prod se plaisent à nous montrer dans des postures bien différentes: entreprenantes, calculatrices, manœuvrières, manipulatrices, battantes et hargneuses.
Ce ne sont pas là, on l’a compris, les caractéristiques comportementales des clientes que la banque Zitouna cherche à drainer. Ce qui est tout à fait compréhensible. A chaque entreprise sa stratégie de marketing. Et, dans son spot publicitaire, la banque Zitouna préfère montrer, à contre-courant d’une société tunisienne hyper occidentalisée, un jeune couple socialement en ordre, cherchant un établissement honnête pour y déposer l’argent de son épargne, une banque qui romprait radicalement avec le cynisme capitaliste ambiant.
Qui ne dit rien consent…
Le silence de la femme est très significatif du rapport qu’elle entretient avec son mari. Il s’agit d’un couple de jeunes mariés qui ne se permet aucun écart de conduite par rapport aux normes fondant leur foi ou qu’ils considèrent comme essentielle à celle-ci: c’est l’homme qui doit parler lorsqu’il s’agit de questions d’argent. Premièrement, parce qu’il comprend mieux ces choses là, et deuxièmement, parce que c’est lui qui travaille, qui ramène l’argent à la maison, et quand bien même sa femme travaillerait elle aussi, ce serait lui qui déciderait du placement de l’épargne du couple, avec bien sûr l’accord tacite – parce que silencieux – de sa dulcinée.
A la fin du spot, nous revoyons le même couple devant la banque, soulagé après l’entretien, comme si le gros problème qui le tenaillait et menaçait son avenir était enfin résolu: les deux époux sont-ils enfin convaincus par les arguments du banquier? Sans aucun doute. Maintenant, les deux époux savent où ils vont déposer leur argent. Ils sont acquis à la transparence et à la rectitude du système financier islamique. Et pour finir, un plan large sur les deux personnages qui semblent avoir atteint la plénitude communicationnelle à travers une situation de complicité filmée à la manière de Hollywood. Le bonheur tient à si peu de chose…
Le mâle protecteur
Autre détail, qui n’a sans doute pas échappé à la perspicacité des téléspectateurs: dans ce même plan, on remarque que l’homme est plus grand que la femme, laquelle – cela va de soi – ne porte pas de talon aiguille, image rassurante du mâle protecteur et dominant. Le même mâle qui, à la fin du spot, rappelle en voix off le slogan de la banque en arabe littéraire, «Liyatmaanna Qalbi» (Afin que mon cœur se rassure).
En se référant ainsi au «cœur», le concepteur du sport centre le discours sur l’émotion et privilégie le spirituel sur le matériel. On remarquera aussi que le chef de famille parle en utilisant la première personne, «mon» et non pas le pluriel «notre», emploi qui aurait donné plus de présence et de densité à la personnalité de la femme.
C’est finalement le mâle qui a décidé et qui, fier de son choix, affiche sa tranquillité de jeune musulman. Tout rentre donc dans l’ordre islamique.
Au passage, la banque Zitouna, souligne, la couleur verte de son logo en prime, son identité, marque fortement sa différence et délimite, par là même, ses clientèles cibles. N’est-ce pas ce qu’on demande d’un spot publicitaire réussi?
Aymen Gharbi
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