Dans un récent article dans ‘‘The Atlantic’’, le journaliste américain raconte ses anciennes démêlés avec les flics de Ben Ali et se demande où ces derniers sont-ils passés aujourd’hui.


John Thorne avait l’habitude de se rendre en Tunisie sous le régime Ben Ali. A l’époque, il était espionné tout le temps, et suivi comme son ombre par, pratiquement le même agent qu’il a fini par bien connaître et même d’avoir une petite discussion avec lui. C’était lors de l’élection présidentielle de 2009 que Thorne devait couvrir pour son journal. Remarquant la présence pesante de son espion attitré, le journaliste est allé à la rencontre de l’agent de sécurité et lui a lancé tout de go: «Ecoutez, vous et moi sommes condamnés à passer nos journées ensemble, alors j’aimerais me présenter. Mon nom est John. Et vous?» L’espion s’est contenté de balbutier son nom et, pendant la conversation, il a montré au journaliste la photo d’un enfant sur son téléphone portable: «Mon fils. Mon premier», lui a-t-il dit en souriant, comme pour humaniser la relation.

Thorne, qui est revenu plusieurs fois en Tunisie après la révolution s’est toujours posé cette question: où sont passé les anciens agents qu’utilisait Ben Ali pour espionner ses opposants et les journalistes étrangers?

C’est ainsi qu’il a croisé récemment son «ancien espion», lors d’une réunion ministérielle à Tunis. Ce dernier a fait semblant de ne pas le reconnaître. Le journaliste aurait bien aimé lui poser quelques questions, mais l’«ancien espion» s’est esquivé rapidement. Commentaire de Thorne: «Avoir été au service de Ben Ali est un grand déshonneur aujourd’hui en Tunisie. Les gens vous méprisent. Et certains veulent se venger. J’imagine qu’il doit avoir honte ce qu’il a fait dans le passé, et peut-être a-t-il peur qu’on le reconnaisse. Je sais seulement qu’il m’a espionné. Qu’a-t-il pu faire d’autre? La Tunisie est libre aujourd’hui, mais je doute que lui le soit.»

Autre conclusion du journaliste: les anciens agents de Ben Ali sont toujours en Tunisie. Et rien n’indique qu’ils ont changé de métier ou d’affectation. Ils seraient, peut-être, un peu plus discrets et moins arrogants qu’ils l’étaient sous la dictature. «Pour combien de temps encore?», serions-nous tentés d’ajouter, alors que les signes de mise en place d’une nouvelle dictature, islamiste cette fois, se multiplient.

Imed Bahri