C’est la première fois dans les annales des médias en Tunisie qu’un nouveau responsable débarque dans l’entreprise où il est nommé aux cris de Dégage, lancés par les journalistes.
Lotfi Touati, nouveau Pdg de Dar Essabah, un proche d’Ennahdha, nommé par le gouvernement islamiste à la tête de cette entreprise de presse dont le gouvernement détient 80% du capital est arrivé ce soir au siège de l’entreprise pour prendre part à son premier conseil d’administration. Il a eu du mal à se faufiler vers l’entrée et pour cause : plusieurs dizaines de journalistes (de Dar Essabah, mais aussi beaucoup de leurs confrères d’autres médias) étaient rassemblés agitant des banderoles et criant des slogans réclamant l’indépendance de l’information. Parmi ces slogans "Essabah horra welboulis aâla barra" (Essabah est libre, la flicaille dehors) par allusion au passé du nouveau promis, un ancien commissaire de police. Lotfi Touati a d’autres défauts : il était l’un des propagandistes de l’ancien régime et ses derniers articles à la gloire de l’ancien dictateur remontent à quelques heures avant sa fuite en Arabie saoudite. Il faut dire qu’au lendemain de la révolution, il s’est inventé très opportunément des affinités nahdhaouies.
A part les journalistes de Dar Essabah et leurs confrères, on a noté la présence de personnalités politiques et de la société civile, comme Abdelwahab El Hani, président du parti El Majd, Mohamed Bennour, porte-parole d’Ettakatol, Samir Ettaïeb, élus de la Voie démocratique, Mokhtar Trifi, président d’honneur de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, Kamel Laâbidi, ex-président de l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication, Néjiba Hamrouni, présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens et d’autres membres du bureau (Zied El-Heni, Mongi Khadhraoui…), Nabil Jmour, dirigeant du Syndicat de la culture et d’information affilié à l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) et autres membres du bureau, Abdelkarim Hizaoui, directeur du Centre africain de perfectionnement des journalistes communicateurs (Capjc), Syhem Ben Sedrine, présidente du Conseil national des libertés en Tunisie.
La prise de fonction du nouveau Pdg s’est donc effectuée sous les plus mauvais auspices avec des huées, des Dégage et la flicaille dehors. Une affaire à suivre. Tout ce beau monde était venu exprimer son opposition à la main-mise du pouvoir exécutif et notamment du parti islamiste Ennahdha sur les médias, à travers la nomination de leurs responsables.
Z. A.