alt

La mise au pas des médias publics par le gouvernement islamiste d’Ennahdha se poursuit. Notre consœur Boutheïna Gouiâ, journaliste animatrice de la radio nationale, vient d’en avoir la preuve à ses dépens.


Le gouvernement Hamadi Jebali ne se contente pas de nommer les Pdg et directeurs généraux des médias publics, comme le faisait l’ancien régime, et de choisir de préférence parmi les anciens propagandistes de Ben Ali devenus pro-Ennahdha. Il va encore plus loin dans sa politique d’intimidation des journalistes et de mise au pas des médias.

Boutheïna Gouiâ a eu le malheur de consacrer ce matin son émission aux récentes nominations par le gouvernement, à la tête de l’Etablissement de la télévision nationale et du groupe de presse de Dar Assabah, de journalistes réputés pour les services rendus, avant le 14 janvier 2011, au Rcd de Ben Ali, et, après cette date, à Ennahdha de Rached Ghannouchi, en retournant seulement leur veste.

Elle a commis aussi le «crime» d’inviter à son émission des collègues représentant le Syndicat nationale des journalistes tunisiens (Snjt) et le Syndicat national de la culture et de l’information dépendant de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), Ziyed El Hani et Nabil Jmour en l’occurrence. Ainsi que Mohamed Saidi, secrétaire général du Syndicat des agents de la direction, de la production et des techniciens à l’Etablissement de la télévision tunisienne, et Néjiba Hamrouni, secrétaire générale de la Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), contactée par téléphone.

Ces derniers, on l’imagine, ont défendu crânement l’indépendance des médias publics et critiqué les nominations à la tête de ces médias sur la base de l’allégeance politique et non sur celle de la compétence.

Deux heures après l’émission, Mme Gouiâ s’est vue annoncer par son collègue Habib Jegham que le directeur général de la Radio nationale, un ex-Rcd lui aussi, recyclé par Ennahdha, a décidé de suspendre son émission. Pour les responsables syndicaux, cette décision est nulle et non avenue, tant qu'elle n'a pas été justifiée et notifiée.

Faut-il encore des preuves de la volonté d’Ennahdha de mettre au pas définitivement les médias publics en prévision des prochaines échéances politiques? La sanction infligée à Mme Gouiâ est un message envoyé à tous les journalistes qui défendent encore l’éthique et l’indépendance de leur métier: le gouvernement Ennahdha ne va pas hésiter à sévir. En d’autres termes : la recréation «démocratique» est finie, et retour à la case départ d’une information publique au service d’une dictature en gestation.

Qu’en pensent le président de l’Assemblée nationale constituante (Anc), Mustapha Ben Jaâfar, et le président de la république, Moncef Marzouki, alliés d’Ennahdha au sein de la «troïka», la coalition tripartite au pouvoir?

Ils vont encore une fois regarder ailleurs, comme ils ont habitué les Tunisiens à chaque fois que leur allié (et employeur) islamiste commet une grave entorse aux principes de la bonne gouvernance.

Z. A.