Coup de force du gouvernement qui a fait d’une pierre deux coups: il impose «son» homme à la tête du plus ancien groupe de presse tunisien et fait miroiter aux héritiers de Dar Assabah la possibilité de retrouver leur bien.
«A l’issue de la réunion de l’Assemblée générale des actionnaires de Dar Assabah et de la tenue, mardi, de son conseil d'administration, il a été décidé de nommer Raouf Cheikhrouhou et Lotfi Touati, respectivement, président du Conseil d'administration et directeur général de la société», annonce, dans un communiqué, les services du Conseiller à l'information de la présidence du Gouvernement.
Cette décision, prise en l’absence de Kamel Semmari, directeur général en poste et membre du Conseil d’administration non convoqué à la réunion, et malgré les réserves de deux autres membres, qui s’étaient opposés à ces nominations lors d’une première réunion tenue hier matin, ressemble fort à un dictat du gouvernement, qui entend imposer définitivement sa mainmise sur les médias publics et semi-public en actionnant les leviers des nominations et des sanctions administratives.
Lotfi Touati est un ancien commissaire de police condamné à des peines de prison dans des affaires de corruption. Devenu journaliste à sa sortie de prison, il est devenu l’un des propagandistes de l’ex-dictateur et s’est illustré par ses services rendus à Ben Ali et à sa smala. Au lendemain de la révolution, il est passé avec armes et bagages dans les camps du parti islamiste Ennahdha dont il est devenu l’un des plus fervents défenseurs. Ce qui explique sa nomination, rejetée par l’ensemble des employés de Dar Assabah, journalistes et techniciens.
Quant à Raouf Cheikhrouhou, l’un des héritiers du fondateur du groupe, feu Habib Cheikhrouhou, il possède encore 20% du capital de la société, à la différence de ses frères et sœurs qui avaient cédé leurs parts à Sakher El Materi, le gendre de l’ex-président, en 2008, quand ce dernier a fait une Opa sur Dar Assabah. Sa nomination comme président du Conseil d’administration lui fait miroiter la possibilité de reprendre un jour le contrôle de la «maison paternelle» en rachetant les 80% du capital que l’Etat a confisqué à Princess Holding, de Sakher El Materi.
Y a-t-il eu des tractations (et des accords) secrets entre l’Etat et l’unique héritier? Très possible. Reste que les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
R. K.
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