altBoutheina Gouiaâ n’a pas été suspendue d’activité à la Radio nationale, mais son changement d’affectation a tout d’une sanction. Peut-on encore être un journaliste indépendant dans les médias publics?


La présidence de la Radio tunisienne a cru devoir «démentir» (le mot est très inapproprié) l’information véhiculée par certains sites électroniques, dont Kapitalis, à propos de la suspension d’activité de la journaliste Boutheina Gouiaâ, soutenant que cette information est «totalement fausse et qu’elle n’a aucun fondement».

Dans un communiqué, rendu public mardi soir, la présidence de l’établissement affirme, en effet, que «la journaliste concernée poursuivra son activité au sein de l’unité du journal radiophonique de la Radio nationale et ce dans le cadre de la consolidation de l’équipe journalistique de ladite unité et dans le souci d’assurer la bonne gestion des ressources humaines».

Ce communiqué au style alambiqué ne fait, en réalité, que confirmer l’information publiée hier par Kapitalis selon laquelle la direction de la Radio nationale a décidé non pas de suspendre Mme Gouiaâ de toute activité au sein de l’établissement, mais de mettre fin à son activité d’animatrice d’émissions de débats. Elle sera donc désormais confinée dans la présentation des informations.

Mme Gouiaâ avait d’ailleurs confié, elle-même, hier, à l’agence officielle Tap, avoir été informée verbalement de sa suspension par le directeur de la programmation, Habib Jegham, après la diffusion de son émission en direct ‘‘Entre rumeur et information’’, consacrée aux dernières nominations à la tête des médias publics, notamment l’Etablissement de la télévision nationale et le groupe de presse Dar Assabah. Elle a confié avoir demandé au directeur de la programmation de lui remettre la décision écrite de sa mise à pied, chose qu’il a refusé de faire. Elle a alors affirmé «ne pas reconnaître cette décision» et qu’elle poursuivra normalement son travail.

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Boutheina Gouiaâ

De son côté, M. Jegham a précisé à l’agence Tap, qu’il «n’est pas été à l’origine de cette décision et qu’il a été seulement chargé d’informer la personne indiquée», ajoutant «qu’il ne représente pas la partie ayant les prérogatives d’adresser la décision par écrit».

Pour sa part, le Syndicat général de la culture et de l’information, dépendant de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) a publié un communiqué dans lequel il condamne «ces pratiques» et s’engage à lutter et à militer «en faveur de médias libres et indépendants».

Le syndicat se demande «si les crises que vivent actuellement Dar Assabah et les établissements de la télévision et de la radio», ne confirment pas «d’éventuelles ambitions de dominer les médias».

Les nouvelles personnes promues sont des journalistes réputés pour les services rendus, avant le 14 janvier 2011, au Rcd de Ben Ali, et, après cette date, à Ennahdha de Rached Ghannouchi. Ils ont été choisis non pas sur la base de leur compétence mais de leur allégeance au parti islamiste au pouvoir.

Mme Gouiaâ a commis aussi le «crime» d’inviter à son émission des collègues représentant le Syndicat nationale des journalistes tunisiens (Snjt) et le Syndicat national de la culture et de l’information dépendant de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), Ziyed El Hani et Nabil Jmour en l’occurrence. Ainsi que Mohamed Saidi, secrétaire général du Syndicat des agents de la direction, de la production et des techniciens à l’Etablissement de la télévision tunisienne, et Néjiba Hamrouni, secrétaire générale de la Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), contactée par téléphone.

Ces derniers ont défendu crânement l’indépendance des médias publics et critiqué les nominations à la tête de ces médias sur la base de l’allégeance politique et non sur celle de la compétence.

La sanction n’a pas tardé à tomber…

Z. A.

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