altAu terme d’une assemblée extraordinaire, vendredi, à Tunis, les journalistes tunisiens ont entériné, dans leur motion finale, le principe de la grève générale du secteur de l’information.


La date du 15 septembre prochain a été fixée comme date butoir pour le déclenchement de cette grève qui pourrait intervenir au cas de non avancement des négociations en cours avec le gouvernement, ont décidé les membres du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) et le Syndicat de la culture et l’information (Sci), relevant de l’Ugtt.

Volonté gouvernementale de prendre le contrôle des médias

L’assemblée extraordinaire a été convoquée sur fond de crise, à la suite des récentes nominations décidées unilatéralement par le gouvernement à la tête de l’Etablissement de la télévision nationale et du groupe de presse Dar Assabah.

Des nominations qui ont suscité réprobation et refus de la part des syndicats représentant le secteur qui y voient une volonté délibérée du gouvernement de reprendre en main et de contrôler la ligne éditoriale des médias publics.

L’assemblée, qui a réuni un grand nombre de journalistes, a été l’occasion d’un débat et d’une mise au point sur l’état d’avancement des négociations en cours entre le Snjt, le Sci-Ugtt et l’Association des directeurs de journaux (Adj), d’une part, et le gouvernement, d’autre part, quant aux principales revendications de la corporation.

Les différents intervenants ont mis l’accent sur le besoin d’émettre un signal fort à destination de l’opinion publique et du gouvernement concernant le besoin de garantir la liberté de la presse et d’expression, de réformer le secteur et d’améliorer les conditions professionnelles et matérielles des journalistes, autant de revendications non prises en considération par les autorités de tutelle et le gouvernement, depuis le 14 janvier 2011.

Agressions répétées contre les journalistes, mutisme du gouvernement

Dans un rappel des raisons qui ont conduit à cette décision de menace de grève générale du secteur de l’information, Néjiba Hamrouni, présidente du Snjt, a invoqué, en premier lieu, les agressions répétées contre les journalistes et le mutisme observé par les autorités face à ces agressions.

Elle a également mis en cause l’arrêt des poursuites entamées contre les agresseurs en dépit des preuves collectées contre des individus, des membres de milices ou de la police, des preuves présentées lors d’une conférence de presse, tenue le 3 mai, sous la forme d’une vidéo répertoriant la nature et les circonstances de ces agressions depuis le 14 janvier.

Les représentants des journalistes ont également évoqué le refus du gouvernement de mettre en place un dispositif juridique à travers l’adoption des décrets 41, 115 et 116, créant un vide juridique qui pénalise la réforme du secteur de l’information, et qui a empêché, jusqu’à présent, la mise en place d’une instance de régulation pour le secteur de la presse.

La troisième principale raison de la grève, selon la présidente de la Snjt, consiste en le refus du gouvernement de mettre en place la Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle (Haica), formulé dans le décret 116, en dépit de l’important soutien que ce projet a suscité auprès des journalistes.

La dérive liberticide du gouvernement et de l’Assemblée

La volonté des membres de la majorité à l’Assemblée nationale constituante (Anc) de limiter les libertés de presse et d’expression au niveau de la Constitution pour des motifs d’ordre public, d’atteinte aux bonnes mœurs ou de projet de loi sur l’atteinte au sacré sont également autant de raisons invoquées par les journalistes présents pour l’observation d’une telle grève.

L’autre raison invoquée est l’ambition d’éluder la question d’une instance de régulation en soumettant le dossier de l’information à l’Anc pour y statuer sans consultation préalable des professionnels du secteur ou l’écoute des structures qui le représentent.

La récente affaire des nominations imposées à la tête des médias publics sans concertation avec les professionnels du secteur et sans adoption de normes internationales est une raison supplémentaire d’inquiétude face à la dérive liberticide du régime qui se met en place.

A ce tableau vient s’ajouter la volonté de ne pas donner suite aux revendications matérielles des journalistes avec la poursuite des recrutements en dehors des cadres légaux, en raison du vide juridique existant.

Mme Hamrouni a, d’autre part, évoqué les insultes proférées à l’encontre des journalistes par plusieurs «parties, individus, responsables, milices, membres de l’Anc», etc. Des insultes condamnées par le Snjt qui a relevé l’ingérence dans le travail des journalistes ainsi que l’empêchement des photographes d’exercer leur travail, en plus des agressions perpétrées conte les équipes de télévision dans les régions.

Les journalistes ont également mis en relief la question de l’absence de reddition de comptes pour les personnes corrompues qui appartiennent au secteur de l’information surtout que plusieurs parmi eux occupent aujourd’hui des postes de responsabilité ou sont promus par le gouvernement Jébali.

L’apparition de l’argent sale dans les médias avec l’émergence d’une presse de caniveau qui transgresse de manière flagrante la déontologie de la profession est une question qui a été également débattue entre les journalistes lors de cette assemblée extraordinaire.

I. B. (avec Tap)