altQu’il y ait ou non un lien entre Azzaitoona TV et Zitouna TV, Lotfi Zitoun n’a pas fini d’alimenter la polémique autour de son rôle, de son action et de ses ambitions politico-médiatiques. Plutôt ambigus…

Par Ridha Kéfi


Y a-t-il un lien, juridique, financier ou autres, entre Azzaitoona TV, société fondée à Londres, le 12 mars 2011, par Monjia Abidi Zitoun, l’épouse de Lotfi Zitoun, conseiller politique du chef du gouvernement chargé du dossier de l’information, et Zitouna TV, la chaîne créée il y a quelques mois par Oussama Ben Salem, le fils de Moncef Ben Salem, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique?

Un arroseur arrosé?

S’il y a un lien, comme l’ont souligné hier certains médias, dans la foulée de Business News, qui a révélé l’existence d’Azzaitoona TV et du nom de sa propriétaire, cela poserait un grave problème de conflit d’intérêt et porterait un coup dur à la crédibilité d’un gouvernement qui crie haut et fort sa volonté de lutter contre la corruption et dont certains membres seraient en train de renouer à la vitesse de la lumière avec les pratiques de l’ancien régime. Car, s’il s’avérait qu’Azzaitoona TV est la société mère fondatrice de la chaîne Zitouna TV ou qu’il y a simplement un lien quelconque entre les deux entités, cela voudrait dire qu’on est en présence, aujourd’hui, face à Lotfi Zitoun, à Abdelwaheb Abdallah et Sakher El Materi réunis en une seule personne. Ce qui constituerait, on s’en doute, un grave signal de dérive à la fois autoritaire et mafieuse.

On n’en est pas encore là, car M. Zitoun, tout en admettant l’existence de la société fondée par sa femme, a démenti tout lien entre celle-ci et la chaîne fondée par le fils du ministre de l’Enseignement supérieur.

Cela dit, il est du droit du conseiller politique du chef du gouvernement de poursuivre en justice Business News qui aurait divulgué la moitié de la vérité et établi, un peu rapidement peut-être, un lien juridique entre Azzaitoona TV et Zitouna TV.

Reste que même dans le cas où le projet de Mme Monjia Labidi Zitoun soit resté à l’état de projet et qu’il n’ait pas abouti à la création d’une chaîne de télévision, M. Zitoun, le véritable initiateur du projet, ayant été pris par ses engagements politiques au sein du parti Ennahdha et du gouvernement Hamadi Jebali, cela ne manquerait pas de susciter au moins deux questions.

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Lotfi Zitoun et Oussama Ben Salem.

Les vraies ambitions de M. Zitoun

La première question concerne le nom choisi pour la nouvelle chaîne, qui est celui d’un projet déjà existant en Tunisie, Zitouna FM, lancé par Sakher El Materi, le gendre de l’ex-président, et qui devait aboutir, en seconde phase, à la création d’une chaîne de télévision. Zitouna FM existe encore, l’établissement a seulement été confisqué et il appartient désormais à l’Etat. Il y a là comme un problème d’usurpation de nom de marque, Monjia Labidi Zitoun, son époux Lotfi Zitoun et Oussama Ben Salem n’ignorant pas l’existence de Zitouna FM. Celle-ci va-t-elle être privatisée ? Et, dans ce cas, cela ne risquerait-il pas de poser des problèmes juridiques insolubles, d’autant que certains protagonistes ont des liens, directs ou indirects, avec le gouvernement?

Seconde question à laquelle M. Zitoun serait bien inspiré de répondre: comment a-t-il laissé fonder une nouvelle chaîne de télévision, Zitouna TV, par un membre de son parti, portant le nom d’une chaîne que sa femme (et lui-même) projettent de fonder? Cette question est d’autant plus légitime que M. Zitoun, dans sa réponse aux allégations de Businessnews, affirme qu’il tient beaucoup à son projet et qu’il ambitionne de le monter, le jour où il en aurait les moyens financiers et aurait quitté ses fonctions au gouvernement.

Qu’il y ait procès ou non, l’affaire ne va donc pas manquer de faire jaser et de susciter la polémique dans les milieux médiatiques et politiques où les relations sont, aujourd’hui, moyennement tendues. Les ambiguïtés et les explications alambiquées de Lotfi Zitoun, principal protagoniste de cette affaire et artisan de la politique gouvernementale en matière d’information, n’ont pas manqué d’ajouter à la confusion et aux malentendus suscités par cette politique. Confusion et malentendus dont le gouvernement Jebali se serait bien passé, en cette période difficile où son bilan global, jugé insuffisant, alimente la colère populaire. Pour Rached Ghannouchi, Hamadi Jebali et le gouvernement de la «troïka», l’affaire Azzaitoona TV ne pouvait pas plus mal tomber.