Deux émissions, mardi soir et mercredi matin, sur la chaîne publique Watania 1 trahissent le sort qui est réservé à la liberté d’expression et à l’indépendance des médias par le gouvernement Ennahdha… Vidéo.
Par Rachid Barnat
1ère séquence : lors d’un débat sur la chaîne publique Watania 1, mardi soir, et au moment où Boujemaâ Remili, le dirigeant de Nida Tounes, exposait les reproches à la «troïka», la coalition au pouvoir... subitement, et comme par hasard, il y eu une coupure du son et l’image s’est brouillée! Puis la chaîne passe des images de la campagne tunisienne en attendant de réparer «l’incident technique»!!
Le journaliste animateur Iheb Chaouch s’est excusé de la coupure de l’image... qui est revenue après une courte coupure et le débat a repris après que le représentant de Nida Tounes ait fini son exposé!
Mais très vite les «incidents» techniques se multiplient et interviennent à chaque fois qu’un intervenant critique Ennahdha et le gouvernement de la « troïka»!
La chaîne passe alors un orchestre ou des images touristiques sur la Tunisie... en attendant que l’intervenant ait fini ses critiques (voir vidéo).
Pourquoi ces incidents à répétition, au point de ne rien transmettre d’un débat autour de l’initiative de Congrès de dialogue national, ouvert le même jour à l’initiative de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), et qui intéresse et passionne les Tunisiens?
A-t-on décidé, en haut lieu, d’interrompre purement et simplement ce débat qui a tourné en défaveur d’Ennahdha, le parti au pouvoir, présenté par certains intervenants comme la source de tous les problèmes du pays? Si on a voulu empêcher l’opposition de s’exprimer sur les médias publics, on ne se serait pas comporté autrement, en provoquant des «incidents techniques» à répétition, qui n’honorent ni l’Etablissement de télévision nationale, aujourd’hui dirigée par Imen Bahroun, une ex-propagandiste du clan Ben Ali-Trabelsi devenue une groupie du parti islamiste au pouvoir.
Bravo, donc, à la chaîne nationale qui retrouve ainsi ses vieux réflexes de l’époque de Zaba! C’est, tout de même, une drôle de façon de «servir la démocratie», comme ne cessent de le crier les dirigeants du gouvernement et d’Ennahdha, le nouveau parti-Etat! On se croirait vivre sous un régime soviétique!
Certains n’ont décidément pas compris que les Tunisiens ne laisseront plus faire et que ces procédés de dictature n’auront aucun effet et qu’ils sont, au contraire, totalement contreproductifs.
2ème séquence : sur la même chaîne Watania 1, mercredi, les journalistes observent une journée de grève générale à l’appel du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt). Deux responsables syndicaux sont invités sur le plateau de l’émission matinale pour dénoncer l’attitude du gouvernement Jebali-Ghannouchi vis-à-vis des journalistes en général et de ceux du groupe de presse Assabah en particulier, qui observent un sit-in depuis une cinquantaine de jours pour protester contre la nomination, par le gouvernement, à la tête de leur groupe, dont l’Etat détient 80%du capital, un certain Lotfi Touati, ancien commissaire de police condamné pour corruption devenu journaliste et propagandiste de Ben Ali avant de se mettre à rouler, au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011, pour le parti islamiste...
Le syndicaliste s’étonne que M. Jebali rejette les décrets-lois 115 et 116 relatifs, respectivement, au Code de la presse et à la Haute autorité indépendante pour la communication audio-visuelle (Haica) sous prétexte qu’ils ont été paraphés par l’ex-président Fouad Mebazaa! Et il rappelle à M. Jebali qu’il doit sa place à d’autres décrets-lois signés par le même Mebazaa... Et que s’il estime devoir annuler ces lois, il doit demander à l’Assemblée nationale constituante (Anc) de clarifier le statut des journalistes et de promulguer des lois qui protègent la liberté de la presse et assurer l’indépendance des médias des autres pouvoirs! Ce qu’il ne fera pas, évidemment, préférant laisser pourrir la situation des médias dans le pays pour se ménager, ainsi qu’à son partie, une marge de manœuvre propice aux pressions et aux manipulations!
Alors que le gouvernement Jebali-Ghannouchi répète, hypocritement, sur tous les médias, à qui veut le croire, qu’il est pour le dialogue, la concertation et le respect de l’indépendance des médias, il continue de «placer» ses hommes à la tête des médias publics au mépris de toutes les règles démocratiques, en reprenant, de préférence, les anciens journalistes notoirement compromis avec Zaba, qui sont plus disposés à le servir et plus affutés pour la propagande!
Quant au «dialogue», drôle de façon d’y participer en refusant de se rendre au Congrès du dialogue national organisé, mardi, par l’Ugtt; ce qui constitue, soit dit en passant, est une très lourde faute politique.
Elle est pas belle la démocratie version Ghannouchi? Et ce n’est qu’un avant-goût ! Car le gouvernement islamiste actuel est encore provisoire! Comment serait-elle quand il installera pour de bon son califat!