Les journalistes tunisiens ont observé, mardi, une grève générale, pour la première fois dans l’histoire de la profession, pour protester contre les tentatives du gouvernement d’imposer de nouveau sa mainmise sur les médias.
La grève générale a, d’ailleurs, été observée par l’ensemble de la profession, tous médias confondus. A l’exception de quelques médias proches d’Ennahdha, le parti islamiste au pouvoir, qui ont tenu à se démarquer de cette grève, montrant ainsi, de manière ostentatoire, leur allégeance aux nouveaux maîtres du pays.
La liberté de la presse est le fondement de la démocratie
Toutes générations et toutes tendances confondues
Cette forte mobilisation des journalistes, toutes générations, tous supports et toutes tendances confondus, dénote leur détermination à défendre jusqu’au bout, et à tout prix, leurs liberté et indépendance si chèrement acquises après la révolution du 14 janvier 2011.
Nejiba Hamrouni heureuse du soutien massif de ses collègues
Lors du rassemblement de protestation, organisé aujourd’hui, devant le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), avenue des Etats-Unis à Tunis, les centaines de journalistes présents ont agité des slogans appelant le gouvernement au respect de la liberté d’expression et de l’indépendance des médias, surtout publics que le gouvernement cherche à mettre sous sa coupe, en nommant à leur tête des personnes réputées pour leur allégeance tapageuse au parti Ennahdha.
Les journalistes entonne l'hymne national à l'unisson
Autour de Néjiba Hamrouni, présidente du Snjt, devenue la pasionaria de la liberté de la presse en Tunisie, les journalistes ont tenu à lancer un signal fort et clair au gouvernement: le retour à la case départ de la dictature et à «Beït Ettaâ» (la maison de la soumission) n’est plus possible. La liberté et l’indépendance des médias sont une ligne rouge et le combat pour leur respect ne fait que recommencer.
Lève ta main sur ma radio, dit la banderole agitée par le jeune journaliste.
Des hommes politiques (Nejib Chebbi, Maya Jeribi, Iyad Dahmani, Ahmed Brahim, Saïd Aïdi, Hamma Hammami, Chokri Belaïd, Issam Chebbi, Jounaidi Abdeljaoued, Yassine Brahim, Jawhar Mbarek…), des personnalités du monde des médias (Kamel Labidi, Maher Abderrahmen, Fahem Boukaddous, Abdelkérim Hizaoui…), des artistes (Sonia Mbarek, Slah Mosbah, Mohamed El Ayeb, Adel Bouaâllègue, Raouf Dakhlapui, etc.), des représentants de la société civile (Ahlem Belhaj, Saïda Garrach, Sana Ben Achour, Mokhtar Trifi…) et divers acteurs de la vie publique (avocats, médecins, ingénieurs, architectes…) ont tenu à soutenir le combat des journalistes. Car ils savent que la dictature, dans sa propension à vouloir contrôler tous les aspects de la vie publique, commence par imposer sa mainmise sur le secteur des médias, courroie de transmission entre tous les autres, avant de réduire, de proche en proche, tout espace de liberté.
Ni impunité ni allégeance
Mokhtar Trifi, président d'honneur de la Ligue tunisienne des droits de l'homme.
Ce processus, les journalistes, comme les hommes politiques, les acteurs de la société civile et les artistes, en ont déjà fait l’expérience sous Ben Ali. Et ils ne comptent pas se laisser faire une nouvelle fois. La mobilisation de mardi revêt, à cet égard, une dimension historique: la presse tunisienne ne sera plus jamais comme avant. Et si elle doit évoluer et assainir ses rouages pourris par le système de propagande mis en place par l’ancien système despotique, elle le fera en interne, de manière transparente, méthodique et juste, loin des pressions et des chantages auxquels l’actuel gouvernement tente de la soumettre.
Les journalistes de Dar Assabah au milieu de leurs confrères.
Ainsi, au chantage exercé par Ennahdha et ses alliés, et qui consiste à offrir aux journalistes corrompus et impliqués dans l’ancien système l’impunité contre l’allégeance au nouveau système dictatorial, les journalistes tunisiens ont répondu aujourd’hui: ni impunité ni allégeance, mais liberté et indépendance.