Avant d'aller au palais de Carthage, des artistes, magistrats, défenseurs des droits de l'homme et des libertés, se sont rassemblés, jeudi, devant le Théâtre municipal de Tunis, pour crier leur solidarité avec Sami Fehri.

Reportage de Zohra Abid

 11 heures, il y a eu foule devant le la «bonbonnière» de l'Avenue Habib Bourguiba, au centre-ville de Tunis, où les hommes de Ali Laârayedh, ministre de l'Intérieur, ont placé un bus sur le trottoir afin d'empêcher les manifestants d'occuper l'escalier et l'entrée du théâtre. Une première depuis la révolution. Cet escalier était devenu, depuis la chute du dictateur Ben Ali, un lieu privilégié pour les rassemblements pacifiques.

Les milices d'Ennahdha veillent au grain

Des dizaines de manifestants entouraient le comédien et humoriste Lamine Nahdi, qui a lancé l'appel à cette marche. Mais des membres des «Ligues de la protection de la révolution» (Lpr), côte-à-côte, avec la police de Ali Lârayedh en tenue civile, étaient plus nombreux, qui essayaient d'empêcher le groupe d'avancer vers la station du TGM.

11heures 15, la place est totalement quadrillée par les agents de l'ordre, en uniforme ou en civil.

«Mon Dieu, à leur place, j'aurais honte. Comment un agent de police se permet-il de coopérer avec les membres de ces Ligues. A force de les voir, on finit par les reconnaître presque tous. A voir leur regard haineux, on dirait qu'ils vont nous sauter dessus», commente une collègue d'une radio privée, qui essayait de faire son travail avec un groupe de journalistes. «Nous devons rester ensemble. Nous ne devons pas nous perdre de vue les uns les autres, car ils nous connaissent bien et nous considèrent comme leur bête noire. Une agression n'est pas exclue», avertit son collègue.

Peut-on encore sauver Sami Fehri?

La foule s'est gonflée en quelques minutes avant d'emprunter silencieusement l'allée du milieu de l'avenue Habib Bourguiba où une équipe d'Al Jazeera Mubasher interviewait des citoyens. A côté Hannibal TV fait la même chose. «Je vous demande le grand silence...», a lancé Lamine Nahdi, à la première rangée, où des manifestants brandissaient quelques affiches demandant au gouvernement de respecter le jugement de la Cour de Cassation, le 28 novembre dernier, ordonnant la libération du producteur de télévision et patron d'Attounissia TV, poursuivi pour corruption.

11 heures 30, le cortège, en silence, a poursuivi sa marche vers la station TGM pour prendre le train. Direction Carthage Présidence.

Le long du chemin, les agents de la police et leurs «zoumala» (confrères) des LPR escortent les manifestants, leur téléphone collé à l'oreille. Qui informent-ils ainsi en temps réel? Ils sont vraiment partout.

Sami Fehri est à son 5e jour de grève sauvage de la faim. Son état de santé est en train de se dégrader au fil des minutes, selon sa sœur Selma Fehri, qui demande aux autorités pénitentiaires l'hospitalisation urgente de son frère, quitte par la force. Car, Sami Fehri a refusé qu'on le transporte à l'hôpital.

Lundi, à l'appel du directeur de la chaine de télévision Al Hiwar Attounsi, des milliers de personnes s'étaient rendues devant la prison de Mornaguia où est incarcéré depuis 4 mois le producteur de télévision. Ils ont demandé, symboliquement, leur incarcération.

Le gouvernement, et notamment le ministre de la Justice Noureddine Bhiri, est resté jusque-là insensible à tous ces appels.

C'est ce qui a incité la famille de Sami Fehri et ses défenseurs à tenter un ultime recours au président de la république provisoire Moncef Marzouki, grand défenseur des droits de l'homme, dans l'espoir qu'il puisse faire quelques chose.

Affaire à suivre...