Deux ans après la révolution de la liberté et de la dignité, la situation de la liberté de la presse en Tunisie est très inquiétante et les atteintes à cette liberté se multiplient.
Le Centre de Tunis pour la liberté de la presse (Ctlp), dirigé par notre confrère Fahem Boukaddous, vient de lancer un cri d'alarme : l'année 2012 a été très difficile pour les journalistes tunisiens. Et l'année 2013 commence encore plus mal.
Nous publions ici le communiqué, publié par le Ctlp, à ce propos.
«L'année 2012 s'est écoulée, charriant de nombreuses violations à l'encontre des journalistes tunisiens malgré les cris d'alarme poussés par les concernés pour arrêter le flux des dépassements enregistrés. Mais les débuts de la nouvelle année ne semblent pas promettre du nouveau dans le domaine.
En effet, Monia Arfaoui, journaliste à ''Essabah'' a comparu de nouveau, le 2 janvier, devant la brigade des enquêtes économiques et financières pour être interrogée sur le contenu d'un reportage qu'elle avait publié le 26 mars dernier à propos d'une possible mauvaise gestion dans les prisons tunisiennes, se basant sur des déclarations faites par des syndicalistes du secteur pénitencier.
La journaliste a réaffirmé, durant son interrogatoire, qu'elle n'est pas responsable des propos qu'elle avait seulement rapportés et qu'elle condamne sa comparution devant une telle brigade pour le contenu d'un article de presse.
Le 3 janvier, les deux collègues Maher Kacem de la chaîne privée Attounissia et Amina Zayani de Radio Kalima ont été harcelés et insultés par des membres de l'Assemblée nationale constituante (Anc), à la suite de la publication par le premier d'un reportage sur le changement de casquette de certains membres de l'Anc qui sont passés d'un parti à un autre.
Suite à cet incident, le 4 janvier, un membre de l'Observatoire du Ctlp a accompagné la collègue Amina Zayani au siège de l'Anc pour déposer une plainte contre les agresseurs et demander que justice soit faite.
Le 4 janvier toujours, le parquet à émis une interdiction de voyager à l'encontre de la blogueuse Olfa Riahi et l'ouverture d'une enquête judiciaire à propos du contenu de documents qu'elle avait publiés faisant état de dépense illégale de l'argent public de la part du ministre des affaires étrangères.
Olfa Riahi devra répondre aux chefs d'accusation d'«outrage à un fonctionnaire» en vertu de l'article 125 du code pénal tunisien, et d'«accusation tendancieuse d'un fonctionnaire public» en vertu de l'article 228 et de «diffamation», en vertu des articles 245 et 247 du même code, en plus de l'accusation d'«atteinte aux données personnelles», conformément à la loi de 2004, et d'«atteinte à autrui à travers la toile», en vertu de l'article 86 du code des télécommunications.
Le 5 janvier, la journaliste Amel Chahed, de la chaîne nationale a déclaré à l'Observatoire du Ctlp qu'elle «connait des pressions dans son travail pour l'empêcher de présenter aux Tunisiennes et Tunisiens des informations crédibles.»
Cette déclaration fait suite à la décision unilatérale de la direction de la télévision nationale de modifier l'horaire et les jours de diffusion de son émission «A l'heure de la première chaîne» qui, selon elle, ne plaît pas à certains responsables gouvernementaux qui n'ont pas caché leur embrras quant au contenu de l'émission.
Le Ctlp, tout en exprimant sa solidarité avec tous les journalistes cités, recommande:
- la cessation de l'interrogatoire que subit Monia Arfaoui et l'arrêt de toute sorte de poursuite judiciaire faisant suite à la publication d'articles de presse;
- l'ouverture d'une enquête sérieuse sur l'agression subie par les collègues Kacem et Zayani de la part de députés de l'Anc et la garantie des conditions favorables à tous les collègues couvrant les travaux de rédaction de la constitution;
- le maintien de la diffusion de l'émission «A l'heure de la première chaine» d'Amel Chahed à ses horaires habituels, sachant que ce qui se passe avec elle relève de la censure qui a entravé, des années durant, toute liberté d'expression au sein de la télévision nationale;
- la levée de l'interdiction de voyager, que nous considérons comme non fondée, prise à l'encontre d'Olfa Riahi. En effet, une pareille mesure est non seulement prise, en règle générale, contre ceux qui représenteraient un danger pour la sécurité publique, mais surtout parce qu'il constitue une incrimination du travail journalistique, ce que nous considérons comme relevant du passé, au vu même des textes régissant l'impression, la diffusion et la presse. Nous attirons l'attention aussi sur le risque que le statut du plaignant pourrait influencer le cours de l'enquête.»