L’affaire du ‘‘Niqabitch’’, la vidéo représentant deux filles se promenant dans les rues de Paris en niqab et minishort, qui fait le tour du Web, apporte la preuve que la culture Lol est en train de triompher et que l’humour sur Internet gagne en pouvoir et contre-pouvoir… Par Sarah Ben Hamadi
Comme des milliers d’internautes, j’ai visionné la vidéo désormais célèbre du ‘‘Niqabitch’’: deux filles qui se promènent dans les rues de Paris en niqab et minishort. Cette vidéo a fait le tour du web en à peine quelques heures. Les réactions des internautes ne se sont pas fait attendre, entre ceux qui approuvent cette démarche, ceux qui appellent au respect de la culture d’autrui et ceux qui ne voient pas l’utilité d’une telle provocation.
L’instrumentalisation de la peur
Selon les dires des deux jeunes demoiselles, publiés dans une tribune sur le site d’information ‘‘Rue89’’, elles visent par cette action, à «interpeller l’opinion publique sur le projet de loi sur l’interdiction du port de la burqa dans les espaces publiques», et de «dédramatiser» ce qui constitue en ce moment un «problème» en France.
Étant méditative de nature, j’ai regardé cette vidéo à trois reprises: une première fois pour découvrir ce que c’est. Une deuxième fois pour comprendre ce que c’est. Et une troisième fois pour essayer de lui trouver un intérêt. J’avoue être restée perplexe face à un tel agissement. Est-ce une bonne démarche face à un sujet aussi sensible et complexe que le voile en général et le voile intégral en particulier?
Entre la peur d’un intégrisme montant, la paranoïa exagérée, l’(in)tolérance religieuse, la liberté du culte, la liberté de s’exprimer, la laïcité d’un Etat, sa démocratie… tous ces ingrédients réunis dans un contexte politique morose pour l’actuel président français, d’où le recours à une stratégie pas très correcte mais très répandue (établir un climat d’insécurité et de peur – ce qui revient à créer un problème –, trouver un bouc émissaire (l’islam, les Arabes, les Roms, etc.) et offrir une solution (débat sur l’identité nationale, durcissement des conditions d’immigration, déchéance de la nationalité, interdiction du voile intégral, etc.).
La ‘‘Lol generation’’ prend le pouvoir
On voit très bien qu’exposée sous cet angle, la problématique n’est pas facile à aborder et ne sera certainement pas tranchée par une vidéo de Niqabitch.
Je me suis finalement résignée à une chose: on a entamé une nouvelle ère, celle de la culture Lol. Exit les soixante-huitards, place à la ‘‘Lol generation’’, où la critique sociale se transforme en «trend» sur le Net. Un sujet ou une polémique, se traduit par un post, une caricature, un statut sur facebook, de commentaires, un tweet, des RT, une vidéo, et du partage.
C’est indéniable, la culture Lol s’installe doucement mais sûrement. Les codes du Net sont devenus des reflexes, et le Lol (acronyme de Laughing Out Loud) est devenu tout un concept. Dénoncer, critiquer, tourner en dérision, et faire du lynchage médiatique passe désormais par un même, un Lol, un wtf (What the fuck), un fail, des images «photoshopées», et des vidéos amateurs caricaturales et comiques (le plus souvent). Le tout, partagé, repartagées et re-repartagé. Interaction et (in)souciance, la culture contestataire devient une culture de déjante. On rie de tout et de rien. Voilà un moyen alternatif et ironique pour s’exprimer pour une génération 2.0. On ne cherche plus à analyser le problème, mais on le simplifie pour que tout le monde s’y sente touché et puisse y participer. Bémol, ce qui signifie «simplifier le problème» pour les uns, signifie «éclipser le vrai problème» pour les autres. Ce qui signifie «action contestataire» pour les uns, signifie «surenchère de la bêtise» pour les autres. Mais quoiqu’il en soit, la culture Lol est bien là aujourd’hui, et l’humour sur Internet gagne en pouvoir et contre-pouvoir…