L'ancien président Zine El Abidine Ben Ali, en fuite depuis le 14 janvier 2011, réapparait en Tunisie... (heureusement) sur Facebook, grâce à l'entregent de ses irréductibles fans. Qui l'eut cru?
Par Yüsra N. M'hiri
Certaines pages font du sarcasme et de l'ironie enrobée de lazzis, où un certain Zaba commente, au jour le jour, les évènements sociopolitiques en Tunisie, en laissant comprendre que «Zaba faisait mieux». Ce qui n'est pas totalement faux. Même si ceci ne saurait justifier cela.
«In love with» Zaba?
D'autres pages expriment clairement leur nostalgie du temps de Ben Ali et invitent le dictateur à revenir pour... «sauver le pays».
Là on atteint le délire, sauf que, à y regarder de plus près, en matière de délire, il y a pire aujourd'hui en Tunisie!
Il y a, à ce jour, près d'une vingtaine de pages pro Ben Ali sur Facebook. On en citera «Pardon monsieur le président», «Nous voulons Ben Ali, on t'aime Zaba».
Une page semble cependant capter davantage les fans (plus de 16.800 à ce jour), intitulée, en arabe: «Vous nous manquez monsieur le président, vous et votre sécurité».
Cette page fait clairement l'éloge de Ben Ali, tout en mettant en avant les péripéties du difficile accouchement de la démocratie en Tunisie. La comparaison n'est pas, forcément, à l'avantage des Ben Jaâfar, Marzouki et Lârayedh.
«Bel amni wal aman...»
Une analyse rapide des comptes facebook qui regrettent Ben Ali montre que les gens qui réclament le retour du dictateur sont motivés, surtout, par le manque de sécurité dans le pays et la crainte que le terrorisme s'installe en Tunisie. Beaucoup déplorent aussi la dégradation de la situation économique et les menaces que représentent les extrémistes religieux.
Ces pages affichent toutes des photos de Ben Ali, accompagnées de remerciements «pour ses 23 ans de paix et de sécurité», accompagnées de photos des dirigeants politiques actuels, souvent tournés en dérision pour leur incompétence et leur manque de savoir-faire.
Certaines réactions avertissent clairement que «la dictature de Ben Ali serait moins pénible que la dictature islamiste qui se prépare et qui n'engendrerait que pauvreté et insécurité».
Les orphelins de leur maître bienfaiteur se sentent donc, aujourd'hui, pris entre l'enclume de la dictature et le marteau de l'extrémisme, et craignent pour l'avenir de la génération de la révolution. En multipliant les pages fan de Ben Ali, ils espèrent que les épines du jasmin ne causent pas d'avantage d'écorchures.