hakim ghanmi 5 29Amnesty International (AI) s'insurge contre les poursuites judicaires contre le blogueur Hakim Ghanmi, coupable d'avoir critiqué le traitement réservé à une patiente par l'administration de l'hôpital militaire de Gabès.

 

AI appelle à ce que les charges retenues contre le blogueur Hakim Ghanmi soient retirées. M. Ghanmi comparaît aujourd'hui devant le tribunal militaire permanent de première instance de Sfax pour avoir critiqué le mois dernier, sur son blog «Warakat Tounsia», le traitement réservé à une patiente par l'administration de l'hôpital militaire de Gabès.

Le blogueur est accusé d'«avoir porté atteinte à la réputation de l'Armée» et d'«avoir nui à autrui par le moyen des réseaux de télécommunication publics». Il encourt ainsi une peine d'emprisonnement allant jusqu'à trois ans et une amende. AI s'insurge.

Dans une lettre adressée, le mois dernier, au ministre de la Défense, Hakim Ghanmi s'était plaint de la conduite du directeur de l'hôpital militaire de Gabès, lui reprochant le refus de son établissement de recevoir une patiente, sa belle sœur, à laquelle l'administration de cet hôpital avait pourtant accordé un rendez-vous.

Dans cette correspondance, le blogueur avait demandé l'ouverture d'une enquête sur les agissements du directeur l'hôpital. Ce dernier, réagissant aux critiques de M. Ghanmi a porté plainte.

Pour Hassiba Hadj Sahraoui, la directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'AI, «le procès de Hakim Ghanmi est un coup sérieux porté à la liberté d'expression en Tunisie. Le simple fait qu'une action en justice soit intentée contre lui représente une violation de son droit à la liberté d'expression. Et qu'il soit jugé par un tribunal militaire pour avoir posté un blog est tout simplement choquant et contrevient aux obligations internationales de la Tunisie relatives aux droits de l'Homme. Des personnes civiles ne devraient jamais être jugées par des tribunaux militaires».

La directrice adjointe d'AI rappelle une vérité élémentaire: «critiquer les autorités et exiger que des comptes leur soient rendus est un droit pour lequel les Tunisiens se sont battus et qu'ils ont obtenu avec beaucoup de peine».

Hassiba Hadj Sahraoui s'étonne qu'«en Tunisie (après la chute de Zine El Abidine Ben Ali), des citoyens puissent encore être poursuivis en justice parce que certains responsables n'acceptent pas d'être critiqués».

AI rappelle, au passage, le palmarès peu reluisant de la liberté d'expression de la Tunisie postrévolutionnaire et le sort peu enviable qui a été réservé par les autorités aux journalistes, artistes, blogueurs et autres critiques, sous le coup d'une législation qui criminalise la diffamation et l'opinion jugée menaçante à l'ordre public, ou portant atteinte aux bonnes mœurs ou aux valeurs sacrées.

Hakim Ghanmi tombe sous le coup de l'article 91 du Code de la Justice militaire et l'article 128 du Code pénal, les mêmes articles qui ont incriminé Ayoub Massoudi, ancien conseiller auprès de la présidence de la République d'«avoir porté atteinte à la réputation de l'Armée».

M. Ghanmi est également accusé d'avoir enfreint l'article 86 du Code des télécommunications qui a valu, en mars 2012, au blogueur Jaber El Mejri une sentence de 7 ans et demi d'emprisonnement, pour «publication de contenu insultant pour l'islam.»

Nous prétendons, un peu trop souvent, que la liberté d'expression est bel et bien acquise en Tunisie de la Révolution. A bien réfléchir, et à bien regarder le tableau d'affichage de la justice post-14 janvier 2011, nous en conclurons très facilement que la cause n'est pas tout à fait gagnée, que le Quatrième pouvoir n'est qu'un pouvoir à moitié et qu'il faudra encore lutter pour le compléter.

Marwan Chahla

Communique.