Le bureau Ennahdha a publié, lundi, un communiqué où il exprime son soutien à la liberté d'expression, comme pilier de la transition démocratique. Est-ce possible? On croit rêver!
Par Imed Bahri
N'est-ce pas le gouvernement dominé par le parti islamiste Ennahdha et conduit par l'un de ses dirigeants, Ali Larayedh, qui est en train de s'acharner sur les médias indépendants, de poursuivre les journalistes devant les tribunaux et de tenter d'imposer son contrôle sur les médias publics, notamment par les nominations de directeur généraux non sur la base de leurs compétence et expérience mais pour leur allégeance politique?
Hypocrisie? Duplicité? Double langage? Tentative de rattraper un très mauvais coup avec les poursuites judiciaires lancées à l'encontre des journalistes Tahar Ben Hassine, Zied El-Heni, Mourad Mehrezi, et autres Zouhair El-Jis, sans parler des procès publics intentés quasi quotidiennement par les dirigeants islamistes contre les médias? C'est un peu tout cela à la fois...
Ennahdha ne perd rien, il est vrai, à exprimer, dans un communiqué téléphoné et très tardif, son soutien à la liberté de la presse et au droit des journalistes à s'exprimer librement et à exercer leur profession sans pression ni intimidation.
Zied El-Heni et Mongi Khadhraoui : le syndicat des journalistes en première ligne de la lutte pour la liberté d'expression.
Le parti de Rached Ghannouchi, qui a observé un silence assourdissant au cours des derniers jours, alors que les journalistes étaient harcelés par une justice aux ordres, a cru devoir rappeler son respect au corps judiciaire, souligner son indépendance et nier tout lien de près ou de loin entre ses dirigeants et les décisions de la justice. Et, bien entendu, il compte sur notre naïveté pour le croire sur parole, alors que des doigts désignent l'ex-ministre de la Justice et actuel ministre conseiller du chef du gouvernement, Noureddine Bhiri, de diriger, à distance, le ministère de la Justice.
Mais là où Ennahdha fait vraiment trop fort c'est lorsqu'il appelle à appliquer le décret-loi n° 115 (promulgué le 2 novembre 2011 et qui tient de nouveau code de la presse, NDLR) et à abroger les sanctions physiques à l'encontre des journalistes.
Faut-il rappeler, à ce propos, que c'est le gouvernement Ennahdha qui refuse d'appliquer ce décret-loi où, justement, les sanctions physiques n'existent plus. Mais c'est trop demander au gens d'Ennahdha de lire les textes de loi dont ils parlent...
Illustration: Nejiba Hamrouni, présidente de la SNJT, et Zied El-Heni.