Reporters sans frontières (RSF) se déclare solidaire du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui a appelé à une grève générale des médias, le 17 septembre, afin de protester contre le harcèlement judiciaire visant la profession. Et pour cause...
Tout en se disant soulagée d’apprendre la libération du journaliste Zied El Heni, RSF «regrette que cette remise en liberté n’ait été obtenue qu’en contrepartie du versement d’une caution.» L’organisation réclame, dans un communiqué publié lundi, l’abandon des charges retenues contre le journaliste. Zied El Heni : une incarcération absolument injustifiée Convoqué le vendredi 13 septembre par le juge du 10e bureau du tribunal de première instance de Tunis, Zied El Heni est poursuivi pour avoir accusé le procureur de la république d’avoir fabriqué des preuves destinées à justifier le placement en détention préventive du cameraman, Mourad Meherzi, poursuivi pour avoir filmé un jet d’œuf sur le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk. Malgré les très vives protestations de ses avocats et le déploiement d’un important dispositif policier devant le tribunal, Zied El Heni a finalement été transféré à la prison de Monarguia où il a été maintenu en détention préventive pendant quatre jours. La caution de 2000 dinars versée pour sa libération est le résultat d’une quête citoyenne organisée lundi matin devant le tribunal. Le procès du journaliste débutera le 24 septembre prochain. Le 28 août dernier, lors d’une interview sur la chaîne Nessma TV, Zied El Heni avait montré en direct une copie du procès verbal indiquant que le cameraman d’Astrolab TV, Mourad Meherzi, avait refusé de signer des aveux de complicité avec le réalisateur Nasreddine Shili, contrairement à ce que le ministère public avait prétendu. Le 13 septembre, le juge d’instruction a délivré un mandat de dépôt à l’encontre de Zied El Heni sur la base de l’article 128 du code pénal, punissant de deux ans d’emprisonnement et de 120 dinars d’amende «quiconque, par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité». «Cette nouvelle mise en détention préventive est absolument injustifiée et vise à faire taire toute critique concernant la procédure en cours contre Mourad Meherzi. Elle fait monter d’un cran la tension déjà forte en Tunisie», estime RSF, qui constate une augmentation inquiétante des poursuites intentées contre les journalistes par des personnalités publiques. «Comme par hasard, le procureur de la république à l’origine des poursuites engagées contre Nasreddine Shili et Mourad Meherzi et de la plainte déposée contre Zied El Heni vient de bénéficier d’une promotion importante au sein de la Cour de Cassation, la plus haute juridiction tunisienne. Son zèle est aujourd’hui récompensé. L’annonce de cette promotion ne peut qu’être ressentie comme une provocation par les défenseurs de la liberté de la presse», ajoute RSF. Zouhair El Jis, journaliste d'Express FM poursuivi pour des propos tenus par l'un de ses invités. Zouhair El Jis injustement accusé Dans la matinée du 13 septembre, la plainte déposée au nom du président de la république contre le journaliste d’Express FM Zouhair El Jiss a été retirée. Trop tard, car les poursuites étaient déjà engagées dans le cadre d’une affaire de diffamation opposant le chef de l’Etat à l’analyste libanais, Salam Zahran depuis mars dernier. Après avoir été entendu par le juge d’instruction, Zouhair El Jiss a été laissé en liberté. Zouhair El Jiss attend désormais une nouvelle convocation judiciaire. RSF demande au juge d’instruction de tirer toutes les conséquences du retrait de la plainte en rendant une ordonnance de non-lieu en ce qui concerne le journaliste. Cette affaire témoigne des abus de procédure au moyen desquelles des personnalités publiques cherchent à intimider les journalistes. En effet, Zouhair El Jiss doit répondre aux accusations suivantes : °Article 128 du Code pénal (celui-là même utilisé l’encontre de Zied El Heni); °Article 86 du Code des télécommunications, punissant «d’un emprisonnement de un à deux ans et d’une amende de 100 à 1000 dinars quiconque nuit sciemment aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications»; °Article 57 du décret-loi n°115 relatif à la liberté de la presse, qui punit «toute expression portant atteinte à la dignité, terme de mépris ou insulte ne comportant pas l’imputation de quelque chose de précis» d’une amende de 500 à 1 000 dinars. «Ces poursuites visant indifféremment le journaliste et l’invité ayant lourdement mis en cause le chef de l’Etat rappellent distinctement celles intentées contre Mourad Meherzi, qui comparaîtra devant le juge le 23 septembre prochain», a déclaré l’organisation. Reporters sans frontières rappelle que : - la liberté de l’information est le fondement d’une démocratie; - le caractère exclusif du code de la presse doit être consacré. Ses articles constituent une base de référence pour juger les délits de presse; - les articles issus du code pénal, ou d’autres sources de droit, en contradiction avec les articles du nouveau code de la presse doivent disparaître, conformément à l’article 79 qui dispose que sont abolis «tous les textes précédents en contradiction avec le présent code, à compter de la date d’entrée en vigueur du code de la presse»; - le code pénal doit être revu et amendé en vue de correspondre aux standards internationaux; - en tant que personnalités publiques et acteurs de la vie publique, les hommes politiques doivent accepter la médiatisation des événements publics les concernant ainsi que la critique; - les magistrats doivent être garants de l’indépendance de la justice et prendre en compte les standards internationaux, notamment, les procès en diffamation afin d’assurer un équilibre entre respect des droits d’autrui et liberté d’expression (notamment pour les personnalités publiques et les affaires publiques). L’organisation se déclare solidaire du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui a appelé à une grève générale des médias, le 17 septembre, afin de protester contre le harcèlement judiciaire visant la profession. Source : Site de Reporters Sans Frontières.
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