Après 10 jours de sit-in et de harcèlement de la directrice de la rédaction, les journalistes de Kalima FM tiennent bon: «Nous n'allons pas lâcher prise, quitte à observer une grève de la faim sauvage», disent-ils.
Par Zohra Abid
N'ayant pas perçu leurs salaires depuis le mois de juillet, les journalistes de la radio Kalima poursuivent leur sit-in au siège de la station à la Charguia 2 et disent qu'ils vont maintenir leur mouvement. Jusqu'à ce que la direction, qui leur a demandé de démissionner et de s'en aller, accepte de reprendre les négociations et leur payer leurs salaires.
Les portes fermées à la négociation
C'est ce qu'a déclaré Faten Hamdi, journaliste à Kalima, jeudi, lors d'un point de presse, en présence de Nejiba Hamrouni, présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), de Mongi Khadhraoui, membre du bureau exécutif du syndicat, ainsi que d'un parterre de journalistes.
Les journalistes solidaires avec leurs collègues de Radio Kalima dans leur difficile épreuve.
«Ça fait 10 jours que nous observons un sit-in. Dès le 3e jour, un huissier de justice est venu nous prévenir et faire un constat d'arrêt de travail. Alors que nous n'avions pas arrêté une minute l'antenne», racontent les journalistes. «Nous demandons aux politiques et aux représentants de la société civile de nous soutenir... C'est inhumain ce qui nous arrive», ajoute Faten Hamdi.
La journaliste passe en revue les conditions du travail depuis le démarrage officiel de la radio, qui a traversé plusieurs crises, et déplore que la direction n'ait pas été reconnaissante aux employés pour les sacrifices qu'ils ont consentis durant les années de combat, sous le régime dictatorial de Ben Ali.
«Alors que tout le monde reconnait notre combat avant la révolution, notre directrice de la rédaction (Sihem Ben Sedrine, NDLR) vient nous crier dessus, nous accuser de rouler pour le Front populaire qui nous paye et de fomenter un putsch au sein de l'établissement», raconte Faten Hamdi. Elle ajoute, sur un ton las et presque désespéré: «Nous n'avons pourtant revendiqué que nos salaires, la sueur de nos fronts».
Sihem Ben Sedrine, une militante des droits de l'homme à l'épreuve des actes.
Les journalistes racontent que, depuis le début du sit-in, Mme Ben Sedrine, grande militante des droits de l'homme devant l'Eternel, s'acharnait contre son personnel (techniciens, journalistes et autres employés). Elle a même refusé de négocier avec Mongi Khadhraoui, membre du SNJT, lorsque ce dernier s'est proposé comme un médiateur pour aider à trouver un terrain d'entente et a proposé un rééchelonnement du payement des arriérés de salaires. «Elle a prétexté un différend personnel avec le membre du SNJT pour rejeter sa médiation», explique encore Faten Hamdi. «Mongi Khadhraoui aurait, soi-disant, souillé sa réputation de personnalité militante aux échelles nationale et internationale», ajoute la journaliste.
Le combat se poursuit
«Tout en observant notre sit-in, nous avons continué à travailler avec les moyens de bord, la direction nous ayant interdit d'utiliser la voiture de fonction. Nous avons été contraints de faire parfois des collectes pour nous déplacer, couvrir les événements et ne rien rater des actualités», racontent les journalistes.
Les journalistes de Kalima poursuivent leur sit-in et menacent d'une grève de la faim sauvage.
«Alors que je me suis crevée pour cette radio depuis 2008, la directrice, dans un état hystérique, s'est permise de me renvoyer moi, Nebrass Hedhili et Hatem Boukethri», s'indigne Faten Hamdi. Elle précise, cependant, qu'elle n'a pas encore reçu la notification officielle de son renvoi.
Pourquoi la direction cherche-t-elle à mettre la clé sous le paillasson? Les journalistes parlent de mauvaise gestion, et ajoutent qu'ils n'y sont pour rien. Ils affirment avoir travaillé avec âme et conscience et n'ont rien à se reprocher sur le plan professionnel.
«Nous avons rivalisé sur le plan professionnel avec les autres radios, mais la gestion financière n'a pas suivi. Ce n'est pas de notre faute si la direction a fait preuve de mauvaise gestion», expliquent encore les journalistes. «Si la direction a un litige avec l'actionnaire principal – Hassen Naceur Chakroun, patron de Globalnet et 3S (Standard Sharing Software) –, cela doit être géré en dehors de la radio», enchérit Faten Hamdi.
Les journalistes ont finalement dit tout ce qu'ils ont sur le cœur et tiré la sonnette d'alarme : la situation au sein de radio Kalima est devenue ingérable. «Et si la direction ne répond pas et continue de boucher les oreilles et fermr les yeux sur le payement de nos salaires, nous sommes décidés à aller de l'avant et à entamer ensemble une grève de la faim sauvage», ont-ils menacé.