Le décret n°2013-4506 du 6 novembre 2013, publié dans le dernier Journal officiel, et annonçant la création d'une Agence technique des télécommunications (ATT), inquiète les internautes, qui craignent un retour de la censure de l'Internet.
Par Yüsra N. M'hiri
Placée sous la tutelle du ministère des Technologies de l'Information et de la Communication, cette agence aura notamment pour mission «d'assurer l'appui technique aux investigations judiciaires dans les crimes des systèmes d'information et de la communication».
Peu rassurant...
L'ATT prétend donc avoir l'autorité nécessaire pour se permettre de plonger dans les données strictement personnelles des Tunisiens, notamment le suivi des communications téléphoniques.
Il est certes signalé dans le décret que la mise en pratique de la loi est régie par le respect des conventions internationales relatives au respect des droits humains. Mais cela ne rassure que très peu.
Evidemment, les internautes tunisiens, qui ont longtemps subi le contrôle et la censure de l'Internet sous l'ancien régime dictatorial – appelée «Ammar 404» –, apprécient moyennement cette mise sous contrôle de leurs échanges.
«Ammar 404 a finalement retrouvé du travail, c'est peut-être pour cela que les autorités annoncent une baisse de 15,9% de taux de chômage»
La justice étant encore ce qu'elle est, c'est-à-dire trop dépendante du pouvoir exécutif, selon les dires mêmes de l'association et du syndicat des magistrats, rien ne garantit que l'ATT ne devienne un instrument aux mains... de la police de la pensée.
En rire ou en pleurer
Pour le moment, les internautes préfèrent tentent en rire, tout en gardant un œil sur leur fragile liberté d'expression, qui est loin d'être définitivement acquises. Certains ironisent: «Ammar 404 a finalement retrouvé du travail, c'est peut-être pour cela que les autorités annoncent une baisse de 15,9% de taux de chômage», raille l'un. «Il s'est sûrement mis au service d'Ennahdha. Quant on a laissé pousser sa barbe, il devient facile de se faire recruter», renchérit un autre, sur le même ton sarcastique.
Cependant, derrière l'humour fuse une inquiétude: et si le gouvernement dominé par le parti islamiste Ennahdha remettait ça?
La mainmise sur la justice, les services de sécurité, l'administration publique, aux niveaux central et régional, et, surtout, les harcèlements judiciaires auxquels sont soumis depuis plusieurs mois les journalistes, les artistes, les blogueurs, bref tous les esprits libres, ne sont guère rassurants à cet égard.