Le café était délicieux. Succulent. Bon. Sur les côtés vous en perdiez sommeil, mais c’était bien le but. Je viens vous embêter encore avec mes empreintes du cœur. Je viens vous rappeler au bon souvenir du ‘‘Café de la télé’’... Par Jamel Heni
L’émission culturelle phare des années 90 portait ce nom-là. Elle réunissait le gratin critique de la place sous la férule de l’affable Oualid Tlili. L’inimitable Khaled Tébourbi et l’académicien Mohamed Zine El Abidine «auscultaient» notre sens musical, expliquaient la réussite d’un chant, nous donnaient les mots pour mieux dire notre attrait confus, notre goût hébété.
Adam Fathi, coproducteur de l’émission et brillant parolier, nous élevait aux mots, aux diables mots de la littérature, heurtait notre suffisance d’un coup de «langue» achevé, rééditait notre vieux dictionnaire poétique, l’usuel romancier que nous omettons d’ouvrir à la bonne page, la page immédiate du talent qu’il attrape sous presse!
Si Tijani Zalila, l’aimable pince-sans-rire de la fable, nous écarquillait les yeux et apprenait à baisser la tête quand on entre dans un atelier de sculpture...
Tout ce beau monde nous manque. Les invités et intermittents chroniqueurs nous manquent. Objectivement s’entend. Comme nous manque ce qui n’est plus et serait parti sans explication, sans excuse. Sur les pointes des pieds et des cœurs. Comme vous, j’ignore pourquoi avait-on fermé le ‘‘Café’’. Mais je sais au moins que je n’en avais plus pris depuis !
La convivialité, le naturel, l’érudition, l’humble érudition, oui c’est ça l’humble érudition, ne s’était plus retrouvée à l’antenne de notre chaîne publique. Les répliques n’atteignent pas à la cheville du modèle. Les copies sont trop amères ou trop sucrées... Et à la fin, l’idée même des culturelles lève le camp. Des sortes de promenades culturelles sont toujours là; mais sans naturel, sans érudition sans critique, un café sans goût !
Et ce n’est pas faute d’audience. Surtout pas ça, les amis. Pour ne citer que les statistiques de 2009, le nombre des étudiants à l’université s’élevait à 349 142, supervisés par 20 049 enseignants! A supposer que seul un élève sur cinq parvienne au cycle supérieur, nous devrions quintupler ces statistiques pour avoir le nombre des apprenants et des professeurs du lycée. Maintenant si seul un élève sur dix (n’y mêlons pas encore les profs) éprouve un soupçon d’intérêt culturel à la télé, cela ferait plus de 200 000 téléspectateurs! Vous en connaissez beaucoup d’émissions qui attirent un si grand nombre, vous ? Cela m’étonnerait fort.
Rien ne présume grossièrement de notre désintérêt culturel qu’une idéologie audiovisuelle sans littérature et sans arguments. Mais messieurs, eh! vous les responsables de programmation ! Citez-nous une seule étude sérieuse qui le prouve ! Et dans l’attente, un café sans sucre, s’il vous plaît!
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