Le torchon brûle entre Nessma TV et Médiascan. La chaîne de télévision met en doute les méthodes de la société de mesure d’audience, qui l’accrédite de taux très faibles. Celle-ci crie au harcèlement et saisit la justice. Cherchez l’erreur? Par Ridha Kéfi
Au-delà de cet épisode, somme toute banal, on peut dire qu’il n’y a rien de nouveau dans le milieu de l’information et de la communication en Tunisie, fortement marqué par 23 ans de dictature, de passe-droit et de corruption.
Et d’ailleurs, pour tout dire, en dehors des gesticulations anti-Ben Ali des mêmes journalistes qui, hier encore, faisaient reluire les souliers du dictateur et se jetaient comme des affamés sur ses miettes, qu’y a-t-il de vraiment nouveau dans cet immense bal masqué des médias en Tunisie?
Rien, strictement rien. Les mêmes titres, les mêmes noms, les mêmes têtes et, presque aussi, les mêmes postures… opportunistes.
Les esclaves changent de maître, mais leurs échines n’en sont que plus courbées…
Je te tiens, tu me tiens par la barbichette!
Pour revenir à notre sujet: les boîtes de mesures d’audience continuent donc d’être accusées de bidouillage par les chaînes de télévision qui se voient attribuer des scores en-deçà de ce qu’ils espèrent.
Les premières voudraient bien voir les résultats de leurs enquêtes enfin acceptés par les secondes, qui conditionnent leur acceptation par le niveau des taux qu’on leur attribue. En somme, comme dit l’adage: «Je te tiens, tu me tiens par la barbichette!» Et à qui mieux-mieux… «Souk ou dallel»…
Les dindons de cette farce, qui n’a rien de drôle, ce sont, on l’imagine, le grand public et, surtout, les annonceurs qui font vivre tout ce beau monde sans pour autant avoir la certitude que leur argent est bien dépensé. Tout le reste est bidonnage, mise en scène, jeu de rôles, petits mensonges et gros intérêts. Gros bras contre grandes gueules, et vice et versa… Plus hâbleur que moi tu meurs!
Qu’elle est belle la Tunisie de l’après-Ben Ali! Elle ressemble à s’y méprendre à celle d’avant la révolution. Or, celle-ci ayant bon dos, c’est en son nom désormais que les bluffeurs d’hier rivalisent avec les frimeurs d’aujourd’hui. Comme quoi, on n’est pas sorti de l’auberge… benalienne.
A quelques semaines d’une élection qui sera déterminante pour l’avenir du pays, ce sont donc les mêmes protagonistes, qui ont porté l’ex-dictateur au pinacle de l’arrogance et de la bêtise, qui sont appelés aujourd’hui à informer les électeurs tunisiens. Et à orienter leur vote… Bonjour les dégâts!
La grève du petit écran
Les chaînes de télévision et stations de radio, hier encore vouées au plat divertissement, se sont transformées, en deux temps trois mouvements, en de pseudo-Al-Jazira, et les boîtes de mesures d’audience, hier vouées au marketing des marques, se mettent à réaliser des sondages d’opinion et à conseiller les hommes politiques. On est vraiment bien servi… Et le pire est encore à venir.
Dans cette foire d’empoigne, où tout bouge pour que rien ne change, les accusations de Nessma TV contre Médiascan, comme celles, hier, de Hannibal TV contre Sigma Conseil, seraient un épisode bien charmant et qui prêterait à sourire si, dans cette vraie fausse affaire, ce ne sont pas moi, toi et tous les Tunisiens qui, en fin de compte, sont pris en otages ou, pour tout dire, pour les derniers des cons!
N’est-ce pas notre assiduité télévisuelle que les uns mesurent et au nom de laquelle les autres font leur plein de spots publicitaires? Alors, pour mettre tout le monde d’accord, décrétons la grève du petit écran, boycottons les journaux, n’écoutons plus la radio! Nous n’en serions que moins… désinformés.