Les cyber-activistes tunisiens ne se doutent de rien. Pour eux, la démocratie est à portée de clic. Elle est si simple, pourquoi donc la compliquer avec des histoires de listes électorales, de circonscriptions et d’article 15.
Invités à Paris pour témoigner de leur expérience de la révolution tunisienne, les Slim Amamou, Aziz Amami, Sofiene Chourabi, Lamia Slim, une illustre inconnue dans le monde des blogueurs, et autres Maha Issaoui, n’ont pas perdu leur temps en préambule. Pour eux, la démocratie est enfin possible grâce au web. On ne peut mieux rêver: passer, sans transition, d’une dictature atroce qui censurait tout, y compris le web, à la… webocratie.
Slim Amamou plaide pour la démocratie directe
Selon nos confrères de ‘‘Public Sénat’’ qui ont assisté à la rencontre, le blogueur Slim Amamou préconise «la mise en place d’un vote direct de la population pour les prises de décisions (…) grâce aux nouvelles technologies». Le blogueur, qui vient de démissionner de son poste de secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports, «ne croit plus aux initiatives venant d’un gouvernement, quel que soit le gouvernement». «L’idéal pour nous, c’est la démocratie directe. J’y crois beaucoup, c’est mieux que ce qu’on a maintenant!», tranche-t-il.
Les cinq jeunes internautes, qui participaient, mardi, à un colloque au Grand Salon de la Sorbonne, à Paris, souhaitent que chaque citoyen tunisien puisse voter pour ou contre un projet de loi, de manière directe, en tapotant sur le clavier de son ordinateur. Et en passant par les réseaux sociaux et Internet.
Et la fracture numérique? Et les centaines de milliers de citoyens non branchés? Et les analphabètes de l’Internet? Ces chers internautes ont réponse à tout. Lamia Slim propose la création d’un «service public d’Internet garanti par l’Etat, qui fournirait une connexion minimum à chaque Tunisien. Pour ceux qui voudraient une connexion de meilleure qualité, il serait possible de souscrire à une offre privée».C'est tout trouvé...
La webocratie est en marche…
La quintessence de la réflexion sur la démocratie directe est livrée par Slim Amamou. «Les gens passent leur journée à cliquer sur ‘‘j’aime’’ sur Facebook, sur les sujets qui les intéressent», fait-il constater. Et d’ajouter: «Voter en ligne ne les changera pas. Et puis finalement, ce sont les gens compétents sur chaque sujet qui donneront leur avis. Ça fera comme une petite élite sélectionnée pour chaque vote. Il faut seulement qu’on arrive à architecturer ça de manière citoyenne.»
Les développeurs d’applications et de programmes ont donc du pain sur la planche. Quant aux membres de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), ils n’ont qu’à se rhabiller. Ils nous compliquent la tâche au lieu de la simplifier.
Cette histoire de vote direct plaira sans doute aux plus pressés parmi les partis politiques tunisiens: Ennahdha, le Parti démocratique progressiste (Pdp) et Afek Tounes. Pour se faire élire, il suffirait de louer les services d’une boîte de Com’, qui a une bonne expérience de la publicité virale. Il fallait y penser. La webocratie est en marche…
M. N.