L’idée fait aujourd’hui son chemin : dresser une «liste noire» des journalistes qui étaient au service de l’ancien régime et de son propagandiste en chef, Abdelwahab Abdallah. Par Ridha Kéfi
La plupart de ces journalistes, qui avaient commis tous les dépassements possibles et imaginables contre les règles élémentaires du métier de journaliste, exercent encore normalement, comme si de rien n’était. Après avoir longtemps bénéficié de la protection spéciale d’Abdelwahab Abdallah, l’ex-conseiller politique de Ben Ali, aujourd’hui en prison, et des largesses de l’Agence tunisienne de communication extérieure (Atce), certains ont pris le train de la révolution en marche et font de la surenchère révolutionnaire pour faire oublier leurs compromissions passées.
Les loups sortent de la forêt
Au cours des travaux du 2ème congrès du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), samedi et dimanche derniers, les loups (et les louves) ont cru pouvoir sortir de la forêt et montrer leurs crocs. Ils ont même cru pouvoir reprendre la main en prenant le contrôle de ce syndicat qui venait d’être arraché à leurs griffes par la révolution du 14-Janvier.
Comment remettre ces journaleux sans scrupules à leur place et les empêcher de dévier la révolution et de dévoyer de nouveau le métier de journaliste? C’est pour répondre à cette exigence de salubrité publique que notre confrère Lotfi Hajji, correspondant d’Al-Jazira en Tunisie, a proposé la constitution d’une «liste noire» des journalistes ayant commis des entorses graves à l’encontre de la profession (propagande, désinformation, flicaille, diffamation des militants, etc.).
L’idée, qui a été fortement applaudie par les confrères et les consœurs fait son chemin. Le nouveau bureau du Snjt, élus démocratiquement dimanche à l’issue d’un congrès moyennement houleux*, devrait mettre à l’ordre du jour de ses prochaines réunions la mise en place de cette liste et des «critères d’éligibilité» des journalistes ripoux devant y figurer pour l’ensemble de leurs «basses» œuvres.
Désarmer les nostalgiques du «benalisme»
Au moment où les serviteurs de l’ancien régime sont à la manœuvre, au sein du gouvernement, de l’administration publique, de la justice, du milieu des affaires, du monde des médias et même de certains partis politiques, satellisés et inondés par des flux d’argent douteux, cette opération «presse propre» constituerait un acte de salubrité publique, une manière aussi de fermer la porte devant les sbires de l’ancien régime, ces nostalgiques du «benalisme» qui refusent de désarmer, croyant pouvoir voler au peuple sa victoire sur la dictature et lui usurper une liberté si chèrement payée.
Il ne s’agit pas de chasse aux sorcières – les Tunisiens reconnaîtront les leurs –, mais d’empêcher les apprentis sorciers de la contre-révolution et les corrompus d’hier, d’aujourd’hui et de toujours de pervertir de nouveau le système au moment où l’on cherche, justement à l’assainir.
* L’équipe de Kapitalis félicite les nouveaux membres du Snjt, qui ont été élus démocratiquement et non parachutés par le Palais de Carthage, comme cela se faisait auparavant. Il s’agit de Néjiba Hamrouni, qui a récolté le plus grand nombre de voix et qui, à ce titre, assurera la présidence du syndicat, Saïda Bouhlel, Zied El Heni, Salma Jelassi, Ihsane Turki, Aymen Rezgui, Mohamed Béchir Chakakou, Thameur Zoghlami et Mongi Khadhraoui.