«Le black-out médiatique, le harcèlement des journalistes et la désinformation existent toujours en Tunisie après la révolution de la liberté et de la dignité», estime un rapport présenté, jeudi, à Tunis par le groupe Tmg de l’Ifex.


«Après la révolution du 14 janvier, la Tunisie a réalisé une légère amélioration en matière de liberté d’expression», mais des craintes persistent quand à une éventuelle régression du secteur de l’information et de la liberté d’expression dans ce pays qui était à l’origine de toutes les révolutions de la liberté dans le monde arabe.

De profondes cicatrices
Selon le rapport de mission préliminaire présenté, jeudi, à Tunis, par le Groupe d’observation de la Tunisie de l’Echange international de la liberté d’expression (Tmg de l’Ifex) intitulé «L’oppression a laissé de profondes cicatrices: évaluer les exigences cruciales de la liberté d’expression pour la transition démocratique en Tunisie», le réseau mondial pour la liberté d’expression est conscient des principales inquiétudes et défis immédiats concernant la censure et la liberté d’expression en Tunisie.
«Les progrès réalisés, depuis le 14 janvier, demeurent en-deçà des espérances», a constaté l’Ifex, passant en revue, à ce propos, les principales questions soulevées par les journalistes, les activistes politiques et les défenseurs des droits de l’Homme qui ont été unanimes à affirmer la nécessité d’élargir la participation du peuple au processus de transition démocratique.
Au terme de son rapport, le Tmg de l’Ifex a présenté les recommandations qu’il a formulées au gouvernement de transition, aux instances de la société civile et aux médias, afin de consacrer la liberté d’expression en Tunisie.
Selon le rapport, ces recommandations s’articulent autour des moyens de se libérer des séquelles de l’ancien régime laissées dans les médias tunisiens et d’associer le peuple tunisien à la définition des contours de son avenir.
Il s’agit, aussi, de contribuer au perfectionnement des journalistes tunisiens, de favoriser leur accès aux sources d’information et de leur apporter toutes les garanties juridiques et morales nécessaires pour protéger leurs sources, dans le droit fil de la consécration de la liberté de la presse dans le pays.

En-deçà des espérances
Lors de la présentation de l’avant-projet de rapport, Virginie Jouan, représentante de l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (Wan-Ifra) et présidente de la mission pour la Tunisie, a indiqué que les dix experts étrangers ayant participé à l’élaboration du rapport durant la période s’étalant du 9 au 16 avril dernier avaient rencontré et écouté plusieurs représentants des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l’Homme, des journalistes, des blogueurs et des politiciens.
La situation de l’information en Tunisie demeure en-deçà des espérances, a-t-elle affirmé. Selon les témoignages de plusieurs journalistes et défenseurs des droits de l’Homme qu’elle a rencontrés, jeudi, cette situation s’est légèrement améliorée. «Le black-out médiatique, le harcèlement des journalistes et la désinformation existent toujours en Tunisie après la révolution de la liberté et de la dignité», a-t-elle indiqué.
La représentante d’Ifra a appelé le gouvernement de transition à garantir le droit à la liberté d’expression, à favoriser l’accès à l’information, à assurer la sécurité des journalistes et à traduire les auteurs des attaques contre les journalistes en justice.

Craintes d’un retour en arrière
L’Ifex, a-t-elle relevé, prévoit un ensemble de programmes au profit des journalistes tunisiens, au cours de la prochaine période, dont l’organisation des ateliers de formation et le renforcement de l’information régionale et locale, afin de consolider son adhésion au processus de transition démocratique.
De son côté, Youssef Ahmed, représentant de l’instance Index On Censorship, a indiqué que «l’étape que traverse la Tunisie suscite des inquiétudes et des craintes quant à un retour en arrière».
La Tunisie a enregistré des progrès en matière de liberté d’expression, mais, a-t-il indiqué, la route est «encore longue pour instaurer réellement la liberté d’expression dans le pays».
Pour sa part, Mme Fatou Jagne-Senghor, représentante de l’organisation Article 19 a souligné la nécessité pour le gouvernement de transition d’apporter son soutien logistique et financier à l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (Inric) afin de lui permettre de s’acquitter, pleinement, de sa mission et de remplir ses engagements, à travers la consécration de la liberté d’expression et de la presse.
Le Tmg est une coalition formée de 21 organisations membres de l’Ifex engagées dans la défense de la liberté d’expression. Il a été crée, en 2004, pour surveiller les atteintes à la liberté d’expression en Tunisie avant et après le Sommet mondial sur la société de l’information (Smsi) tenu, à Tunis en novembre 2005.
La 8e mission formelle du Tmg de l’Ifex en Tunisie, dont les résultats sont présentés dans ce rapport, a eu lieu dans le cadre d’un projet de 30 mois intitulé «Observation et plaidoyer pour le soutien aux défenseurs des droits de l’homme indépendants en Tunisie», financé par des donateurs européens et géré par l’organisation britannique Index On Censorship.