Les réseaux sociaux après la révolution ou comment nos zorros sont-ils devenus des sergents Garcia! Par Jamel Heni, Paris.
La révolution tunisienne a-t-elle les défauts de ses qualités? Les réseaux sociaux qui faisaient sa grandeur feraient-ils sa décadence?
Alors qu’un reporter flemmard et vaguement renseigné avait senti du jasmin dans la révolution tunisienne, les observateurs trouvèrent dans facebook, twitter et Co les véritables «fleurs» de la révolution! Ces mediums qui servaient de cyber-agence de presse, constituaient surtout un chef-lieu de harangue populaire, où quelques images de martyrs défigurés eurent achevé la trouille du plus lâche d’entre-nous!
Plus qu’un média, c’était une nouvelle «place rouge» où se forgeaient l’opinion publique majoritaire et les minorités! Où se formaient les réseaux sociaux réels... Là où l’«admin» remplaçait le tribun! Où un jeunot bronché devenu modérateur de «page», tournait sans en avoir l’air une page de l’histoire!
La figure de l’admin !
Cette figure de l’admin, nous interpelle, appelle, rappelle! Il est né dans le silence, a participé à la révolution sous un pseudo, il risque encore de prendre part à la transition démocratique derrière un faux-profil! Pirates parias, Robin des bois, peut importe ce qu’ils étaient, la question cruciale du moment concerne le devenir de nos chers modérateurs des pages de la révolution! Que sont alors devenus nos vaillants «admins», après le 14?
Eh bien certains ont rejoint l’opposition réelle tandis que d’autres se sont recyclés en «bureaucratie» toute-puissante, en «légitimités absolues et incontestables», et sans jamais sortir de l’anonymat, ils se sont transformés en «directeurs de conscience»; en «anonymes intellectuels organiques»! Pis et pour paraphraser un jeune cyber-dissident: nos « illustres pseudos» sont devenus un «ascenseur politique à faire monter et descendre un parti, un militant, une cause voire tout ça à la fois»!!
L’on ne compte plus, en effet, les pages qui roulent pour un parti ou l’autre, elle portent toutes solennellement l’étendard national et se cachent derrière un patriotisme mielleux (Tunisia, Tunisie, Tounes, révolution...) !! Elles ont beau affirmer un semblant de neutralité éditoriale, elles ne s’en trahissent pas moins au bout d’un clic! Toutes dévouées à un maître, dont elles rendent publics les moindres faits et gestes, elles veillent à mettre en coupe réglée ses ennemis et retournent toutes les situations en sa faveur; elles n’oublient, «surtout pas», de régler leurs affaires à ses détracteurs!
Des pages PME!
L’autre jour, j’ai reçu comme une foudre la proposition indécente «de me faire un prix pour une page populaire!» ! Oui une page bon marché, dis-je! Car beaucoup d’internautes ignorent qu’admin n'est plus le simple et candide modérateur de publications! Non... Ya hasra, comme on dit chez nous ! C’est désormais une fonction! Un métier recherché, où le nouveau «bailleur» paye un pas-de-porte pour la «cession» de page ou un loyer régulier au proprio! Il s’agit d’admins professionnels qui «investissent» dans une page et la mettent en vente aux «puces» des partis, associations ou autres groupes de pression! Cette race d’admins politique en libéral et à plein temps est littéralement inédite! Elle nous semble liée au multipartisme naissant et aux «bienfaits» de la démocratie! Avant le 14 janvier, administrer une page ou un groupe virtuels, était un pis-aller, un fardeau, une responsabilité voire une peine, c’est désormais un filon, un marché, une PME!
C’est peut-être de bonne guerre, ça l’est peut-être! Mais l’anonymat et l’absence de transparence, quant au vrai maître des pages et leurs lignes éditoriales, hissent un voile moral infranchissable! Et remplacent les vieilles officines sombres et anonymes de la dictature par des «services de presse officieux» virtuels et inassumés! Je n’y vois pas beaucoup de différence, honnêtement ! A moins que l’on n’en soit pas dupe et soutienne que ça relève du jeu politique!
Même à ce niveau, d’aucuns diront que c’est de bonne guerre! Soit! Mais là où ça se défendra le moins, c’est lorsque les «pages officieuses» dépassent largement leur rôle de propagande et tiennent lieu de source d’information! Là le jeu devient malsain et des règles doivent l’organiser! Une éthique politique surtout!
Les admins de la révolution étaient ses «zorros», beaucoup d’entre eux sont devenus ses «sergents Garcia»! C’est à espérer qu’ils tombent les masques!
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