Ils sont jeunes, intellos, dynamiques et grandement armés pour réussir dans le métier. Ils ont trouvé le filon pour aider le pays à faire sa révolution : les médias. Par Zohra Abid
Avant la révolution, ils n’ont certainement pas pensé une seconde à ce métier. La presse de leur pays, c’était le dégoût. Le dégoût total. D’ailleurs, ils ont fait des études en médecine, marketing, gestion et autres. Le journalisme tel qu’il a fonctionné sous Ben Ali n’a jamais été leur tasse de thé.
Bienvenue au cercle
L’idée, de trois jeunes, de lancer Tunisia Live est née au lendemain de la révolution. Le commencement s'est fait avec une fille et deux garçons de cette nouvelle génération qui a de la jugeote et qui est loin de courir derrière les intérêts personnels. C’est ce qu’ils ont, en tout cas, expliqué, lors d’une conférence donnée, mardi matin, à leur siège aux Berges du Lac (Tunis).
Les trois cofondateurs du site électronique Tunisa Live, 100% anglophone sont Zied Mhirsi – qui a étudié la médecine et travaillé dans la santé publique aux Etats-Unis–, Youssef Gaïgi – diplômé des Hautes études commerciales (Hec), qui travaillé aussi aux Etats-Unis avant d’intégrer le secteur du Développement durable en Tunisie-, et Ramla Jabeur – spécialisée dans la logistique après ses études dans les grandes écoles de Nice et de Floride. Tous trois ont été contaminés par le virus du métier et se sont convertis en journalistes post-révolution.
«Nous avons remarqué qu’il y a un vide. Il n’y a pas assez d’infos en anglais pour qu’on parle suffisamment de la Tunisie. En avril, le site a pris. Avec des reportages audio, des articles, des vidéos, grâce à des volontaires et des stagiaires», raconte sur son site Zied Mhirsi, le médecin reconverti en journaliste. Et d’ajouter que, lors des manifestations, le groupe qui a brandi devant le ministère de l’Intérieur de la grande avenue de Tunis des slogans en anglais pour dire «Dégage» à Ben Ali, a été repéré par les grosses pointures de la télévision du monde comme Cnn, Al Jazira en anglais, Sky News et autres chaînes de Hollande et des pays anglosaxons. Ils sont entrés en contact avec le groupe anglophone et sont devenus, depuis, des partenaires costauds.
Captures d’écrans
Un fond blanc comme neige, un peu comme le journal ‘‘The Gardian’’. Les rubriques de la Une touchent à tous les secteurs. C’est un peu comme tout le monde. A part que la Libye a, à elle seule, une rubrique. Pourquoi ? «Nos collègues sont sur le terrain depuis le début de la guerre en Libye. Ils ont tutoyé les envoyés spéciaux des chaînes internationales qui les ont pris sous leurs ailes. Ils se sont frottés à leur savoir-faire et ont couvert en direct les évènements de Jbel Fouchana jusqu’à Tripoli, jusqu’au jour de la chute de la capitale libyenne», ajoute M. Mhirsi avec une pointe de fierté.
Au fil des jours, l’équipe s’est étoffée. Ils sont aujourd’hui une vingtaine qui n’entend pas s’arrêter là. «Nous abordons tous les sujets tout en respectant les règles du métier. Nous en sommes encore à nos débuts avec 10 à 30.000 visites par mois. La moitié de nos lecteurs sont Tunisiens, le reste est du monde entier. On pense à une radio qui s’adressera aux anglophones. C’est l’avenir», rêve Ramla Jabeur. Vous n’avez pas de pub, comment arrivez-vous à vous en sortir ? A cette question de Kapitalis, l’un des jeunes de l’équipe répond que son journal online vit grâce à des partenaires. Puisque les jeunes sont sur place, tout ce qui concerne la Tunisie, ils le couvrent aussi pour les boites de renom. «Nous avons fait cela en direct avec la conférence de Samir Tarhouni, le jugement de la famille Ben Ali ou tout récemment le discours du Premier ministre», a expliqué Sadok Ayari. Et ce n’est pas tout. Les jeunes âgés entre 25 et 34 ans font également de la traduction.
L’aventure continue avec Tounès Tetkallem
Dans cette même équipe, on trouve notamment des jeunes américains. Tout en participant à la bonne mise en place du site, ils profitent d’être sur place et d’apprendre la langue arabe. Et ils ne ratent rien. A chaque fois qu'il y a quelque chose qui cloche, ils sont là. Une petite faille dans le service d'un restaurant (ou d'un hôtel) est aussitôt épinglée pour faire le tour avec des photos à l’appui. «Il faut bien pour se corriger et ça ne sert plus à rien de caresser dans le sens du poil», dit l’Américain dans un arabe correct.
Apparemment, les jeunes se plaisent beaucoup dans les métiers de l’information. Ils ont autre chose à montrer et à couvrir. Ils se sont inspirés de la campagne médiatique pendant les élections d’Obama sur Facebook et sur le Net et ont contacté Google pour avoir une plateforme en arabe. «Tous les Tunisiens seront invités à proposer et à poser leurs questions à des chefs de parti. Le candidat répondra aux questions en direct», ajoute M. Mhirsi qui n’aime pas qu’on continue à cacher la vérité aux Tunisiens et qui croit fermement aux réseaux sociaux pour se joindre au débat sur Tounes Tetkallem (traduire : la Tunisie parle). Et non les sbires de Ben Ali, qui minent encore les médias de l’intérieur. Le destin du pays est aujourd’hui entre vos mains. Bon courage les jeunes. La parole est à vous ! Car c’est vous qui reconstruirez le pays, pas les vieux singes profiteurs qui encombrent encore la scène médiatique du pays. Effrontément…