Trois structures de défense de la presse et des médias sont montées au créneau pour tirer la sonnette d’alarme : la contre-révolution bat son plein dans les médias hérités de l’ère Ben Ali.


Il s’agit du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), du Syndicat général de la culture et de l’information (Sgci) relevant de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) et de l’Instance nationale indépendante pour la réforme de l’information et de la communication (Inric), qui ont dénoncé, dans un communiqué diffusé mardi, «les tentatives de putsch menées actuellement contre des syndicats légitimes dans le secteur de la presse».

Le silence complice des partis !

Si ces trois structures, qui travaillaient auparavant séparément, ont cru devoir s’associer, cette fois, pour rendre public un communiqué commun, c’est qu’elles ont senti que la situation dans le secteur est en train d’avancer dans le sens contraire de celui de la révolution. Face à la contre-révolution, alimentée par des médias qui, hier encore, étaient au service de Ben Ali et de sa bande, le Snjt, le Sgci et l’Inric, ont tenu à alerter l’opinion publique, mais aussi les partis politiques, dont le silence complice est plus qu’inquiétant, sur les dérives actuelles des institutions médiatiques, particulièrement privées, et leurs tentatives de faire perdurer les vieilles pratiques clientélistes, fondées sur la désinformation, la manipulation, les magouilles politiques. Et sur l’intimidation des journalistes, leur domination et leur exploitation.

Dans leur communiqué commun, les trois structures s’indignent des restrictions exercées contre l’activité syndicale au sein de certains organes d’information, qualifiées de «violation de la législation nationale et des conventions internationales». Elles «fustigent toutes tentatives de putsch contre les structures syndicales légitimes et contre les syndicalistes de certaines entreprises de presse, dont notamment Dar El Anwar et la société Snipe», réaffirmant leur attachement à défendre l’action syndicale au sein des entreprises d’information et leur rejet catégorique de toutes les pratiques qui rappellent l’ancien régime.

Qui veut empêcher la réforme du secteur ?

Le Snjt, le Sngci et l’Inric condamnent aussi fermement «la campagne de diffamation et de calomnie dirigée contre l’Inric par les caciques de l’ancien régime qui suppliaient le président déchu de postuler à un nouveau mandat en 2014 et qui s’opposent aujourd’hui à toute réforme susceptible de les déposséder des privilèges mal acquis sous le régime dictatorial, au premier rang desquels figurent les responsables des chaînes Hannibal et Nessma».

Les trois structures appellent, d’une seule voix, le gouvernement de transition à réviser les critères de distribution de la publicité de l’Etat et des abonnements contractés par les entreprises et établissements publics, afin d’accorder des chances égales à toutes les entreprises de presse, et en particulier aux nouvelles entreprises. Dans ce cadre, les trois instances exhortent le gouvernement à veiller au respect des dispositions de la convention collective de la presse écrite, qui privent toute entreprise contrevenante de publicité publique.

Le Snjt, le Sngci et l’Inric insistent, par ailleurs, sur la nécessité de mettre un terme au vide juridique et d’accélérer la promulgation des textes législatifs garantissant la protection de la liberté de presse et d’expression, et organisant le secteur de l’information conformément aux législations en vigueur dans les pays démocratiques.

Où est passé la liste noire des journalistes corrompus ?

Dans ce même contexte, des membres du Snjt appellent le bureau directeur à mettre à exécution l’une tâches qui lui a été attribuée lors de son dernier congrès, à savoir l’élaboration d’une liste noire des journalistes corrompus qui ont trempé dans les magouilles de l’ancien régime, contribué à sa propagande et émargé sur ses largesses financières et autres. Ce serait le seul moyen pour démasquer les alliés de Ben Ali parmi les journalistes et les directeurs des institutions de presse, qui continuent de sévir aujourd’hui et alimentent la contre-révolution. Les démasquer et, éventuellement, leur demander des explications et, pourquoi pas, pour les plus corrompus d’entre eux, les traduire devant la justice.

Imed Bahri (avec Tap).