Les médias tunisiens semblent être machos. Côté journaux, radios et télévisions, la parité n’a rien changé. Les hommes ont le monopole de l’actualité.
Par Thameur Mekki
L’argent politique s’empare des médias tunisiens. Les articles d’opinion envahissent les pages des journaux. Les plages de programmation à forte audience chez les chaînes tv et les radios sont occupées par les débats. Le tout au détriment de l’information et de la promotion de la culture citoyenne.
C’est ce qui ressort du deuxième rapport du Monitoring Média effectué par une coalition d’organisations non-gouvernementales présidée par l’Association tunisienne des Femmes démocrates (Atfd).
Portant sur la période du 1er au 25 septembre, ce rapport a dévoilé une autre lacune dans le rendement des médias tunisiens en cette phase. En effet, les femmes impliquées dans la vie politique sont totalement marginalisées.
Anecdotes des vilains canards
Malgré la parité entre hommes et femmes stipulée par le code électoral et induisant une forte participation des femmes aux élections de l’Assemblée Constituante, nos médias boudent nos politiciennes. Et ce n’est pas tout.
Même les actrices de la société civile sont laissées sur le banc. «L’Atfd est absente dans les médias. Il y a un blackout total contre-nous», lance Meriem Zeghidi, membre des femmes démocrates, aux journalistes lors de la présentation du rapport en question.
«A un moment donné, nous comptions envoyer des courriers aux directeurs des médias. Mais avant de le faire, nous avons été invitées par la Chaîne Nationale et Attounissiya sauf que ça a mal tourné», déclare-t-elle avant de poursuivre avec deux anecdotes : «dans un premier temps, c’était l’émission ‘‘Saâat Hissab’’ [traduire : l’heure du jugement, Ndlr], produite par la BBC et la Chaîne Nationale. Il s’est avéré que nous n’étions pas invités principaux mais intervenants dans un panel de 100 personnes. Nous avons fini par refuser d’y participer». Et Mme Zeghidi ajoute : «Quant à Attounissiya, cette chaîne a voulu inviter l’équipe du Monitoring Média. Nous leur avons suggéré quatre personnes. Ils ont fini par snober quelques personnes en prétextant qu’ils sont en contradiction avec la ligne éditoriale de la chaîne».
Miettes du gâteau médiatique
Les chiffres du rapport faisant lumière sur la période du 1er au 25 septembre sont témoins de la marginalisation des femmes dans les médias. Dans les principaux journaux tunisiens, les femmes actrices politiques n’occupent que 0,51% de l’espace, moins représentées qu’au premier rapport étudiant la période du 1er au 25 août. «C’est un déni de réalité. Malgré la parité entre hommes et femmes et le rôle de premier plan joué par les femmes dans la période de précampagne, ça continue !», déplore Sana Ben Achour, coordinatrice générale du monitoring et ancienne présidente de l’Atfd. Sur les radios, l’action politique des femmes est également occultée. Elles n’ont que 1,64% de l’espace radiophonique. Quant aux chaînes tv, elles n’accordent aux femmes actrices politiques que 0,56% de leurs plages de programmation à forte audience.
«C’est vraiment catastrophique», s’indigne encore Mme Ben Achour. Si les politiques et la société civile ont voté la parité à la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (Hiror), les médias tunisiens ne semblent pas encore prêts pour un tel pas. Ben Ali, a-t-il injecté dans ces médias une forte dose de testostérone avant de fuir ?