Une fois n’est pas coutume, et pourvu que ça dure, les journalistes tunisiens se sont montrés solidaires en soutenant massivement la cause de deux d’entre eux, en grève de la faim pour protester contre leur licenciement abusif.


Plusieurs dizaines de journalistes tunisiens et représentants de la société civile ont observé, vendredi matin, devant le siège de Dar El-Anwar, un sit-in de soutien à la journaliste Wafa Boujmil et au technicien Salah Jaâfar, en grève de la faim depuis mardi dernier pour protester contre la décision de leur licenciement abusif et sans préavis, par le quotidien ‘‘Echourouk’’, édité par cette maison réputée pour avoir servi avec zèle l’ancien régime dictatorial de Ben Ali.

L’information dominée par les sbires de l’ancien système

Les manifestants ont scandé des slogans clamant la préservation de la dignité du journaliste et la libération du secteur de l’information des griffes des ex-sbires de Ben Ali et exprimé leur refus de toutes les pratiques qui risquent de porter atteinte aux journalistes.

Des négociations intenses ont été engagées entre le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), le Syndicat de base de Dar El-Anwar et le Syndicat de l’information et de la culture relevant de l’Union Générale Tunisienne du travail (Ugtt) pour unifier les positions et trouver une issue à ce problème, a indiqué la présidente du Snjt Néjiba Hamrouni, citée par l’agence Tap.

L’administration du journal ‘‘Echourouk’’, qui oppose une fin de non recevoir aux demandes des deux journalistes et refuse la négociation, avait fait usage de la force et de la violence, jeudi à l’aube, pour contraindre les grévistes de la faim à quitter le siège du journal, malgré la détérioration de leur état de santé. Ces derniers ont alors été transférés au siège du Snjt où ils ont continué leur grève de la faim jusqu’à vendredi soir.

Le mouvement de protestation se poursuivra après l’Aïd

«Ce sit-in restera ouvert jusqu’à la réintégration de la journaliste et du technicien», a averti Néjiba Hamrouni, ajoutant que ce mouvement de protestation sera suspendu, exceptionnellement, durant la période de l’Aïd El-Kébir.

Pour Chokri Bassoumi, Secrétaire général adjoint du Syndicat de base de Dar el Anwar, ces pratiques abusives qui ont pour effet de porter atteinte au corps journalistique sont inacceptables et ne peuvent que refléter un esprit de domination.

Le Snjt, Sgci de l’Ugtt et le Syndicat de base de Dar El-Anwar ont dénoncé, dans une déclaration commune rendue publique vendredi, «les pratiques répressives» et «l’agression ignoble» commises contre les deux journalistes grévistes de la faim.

Ils ont, également, qualifié de «sauvage» la manière avec laquelle ces derniers ont été chassés du siège de Dar El-Anouar, estimant que «ces agissements sont diamétralement opposés aux principes des droits humains».

Les organisations syndicales s’insurgent, par ailleurs, contre «la politique de l’emploi précaire» adoptée par Dar El-Anwar et appellent à respecter le droit du travail et les conventions collectives en matière de recrutement des journalistes et des agents opérant dans le secteur. Ils attribuent également au gouvernement provisoire la responsabilité de garantir les droits matériels et moraux des journalistes et appellent le ministère public à ouvrir une enquête sur les dépassements commis contre les journalistes et les professionnels du secteur.

L’Inric solidaire des luttes des journalistes

Présent au sit-in, en compagnie de deux autres membres de l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (Inric), Ridha Kéfi et Néji Bghouri, le président de cette Instance, Kamel Labibi, a déclaré à l’Agence Tap que le licenciement de la journaliste et du technicien est un «dangereux précédent» qui appelle tous les journalistes et tous les organismes chargés de la défense de la profession journalistique à lutter contre « les pratiques de certains établissements médiatiques privés ». Il a, à cet égard, estimé indispensable d’apporter toutes les garanties juridiques nécessaires aux journalistes et de faire recours aux législations nationales et internationales pour protéger les droits moraux et matériels des journalistes.

L’Inric, a-t-il ajouté, est en train d’élaborer son rapport final qui sera soumis à l’Assemblée nationale Constituante et au gouvernement de transition pour prendre toutes les mesures nécessaires visant à promouvoir le secteur de l’information en Tunisie. «Aucun Etat ne peut progresser sans une presse libre», a-t-il soutenu en conclusion.

I. B. (avec Tap).