Les bloggeurs des deux rives de la Méditerranée débattent à Tunis du futur, des défis et des nouvelles tendances de la blogosphère du temps des révolutions mais surtout postrévolutionnaire.
Par Mourad Teyeb
Une trentaine de bloggeurs de Tunisie, Maroc, Algérie, Mauritanie, Libye et Allemagne se sont réunis pendant trois jours à Tunis sur invitation de la Deutsche Welle Akademie dans le cadre du ‘‘Dialogue de bloggeurs’’.
La responsabilité des bloggeurs, leur sécurité (physique et légale) et le financement des blogs ont été au cœur d’un débat entre les bloggeurs présents d’une part et entre eux (et elles) et les médias partenaires de l’événement (Radio Kalima, Nawaat, Rsf, DW…) d’autre part.
Paroles de blogueurs
Une transition nécessaire
«On a discuté de ce que les bloggeurs (dans les pays du printemps arabe, ndlr) doivent faire une fois que les révolutions sont venues à terme», nous dit Jean-Michel Bos, responsable de presse de l’Akademie.
Comment structurer l’univers des bloggeurs ? Ces derniers ont-ils besoin de formation et d’une charte de déontologie ? Comment atteindre une professionnalisation des blogs, ne serait-ce que dans la forme ? Autant de questions qui, selon Bos, marquent «une transition entre un monde libre, presque sauvage, et un autre plus organisé».
Tout le monde parait d’accord avec Michael Tecklenburg, responsable du programme Afrique du Nord à la DW Akademie : «C’est un moment où il faut discuter de l’avenir».
Chama Darchoul
Partant de leur propre vécu, des bloggeurs de trois pays ont évoqué, lors d’un point de presse tenu en marge de l’événement, la richesse et la diversité de leurs expériences respectives.
Dissidence virtuelle et «change makers»
La Mauritanienne Raki Ba a parlé de ce qu'est vraiment être une bloggeuse sous un régime qui ne tolère que très peu, voire pas du tout, la liberté d’expression et toute forme de dissidence aussi virtuelle soit-elle, telles que le blogging et le web-activisme.
Firas Kefi
Ba, 35 ans, est membre de Blog CanalH et du Comité de solidarité avec les victimes des violations des droits humains. Elle est chargée de communication dans SOS-esclaves, une Ong de droits humains. Auparavant, elle a travaillé au Gerddes/Mauritanie et le Forum des organisations nationales des droits humains (Fonadh).
Raki Ba
La Marocaine Chama Darchoul pense pour sa part que le financement adéquat «rend un bloggeur autonome et donc plus indépendant et lui permet de couvrir les événements relatifs à ses activités». Pour Chama, le bloggeur est un «change maker» et a, ainsi, besoin, de disposer de moyens pour mener à bien sa noble et ardente mission d’influer sur l’Histoire.
Paroles de blogueurs
Chama Darchoul est une journaliste Internet et experte des médias numériques qui travaille pour Medi1 Radio, une radio internationale basée à Tanger. Elle a été la première femme arabe et maghrébine – la 2e dans le monde – à obtenir, en mai 2011, le titre de meilleure journaliste numérique et de meilleure utilisatrice des nouveaux médias pour améliorer son travail. Une récompense délivrée par le réseau international de journalistes IJNet, basé à New York.
Chama a commencé son blog en 2007 avec AlJazeeraTalk, un site pour jeunes blogueurs du monde arabe et musulman, filiale de réseau de la chaine qatarie. La même année, AlJazeeraTalk a obtenu un prix au concours BOBs organisé par la Deutsche Welle : celui du meilleur blog du monde arabe.
Les blogueurs arabes entre eux
Quant au Tunisien Firas Kéfi, qui parle d’une différence de styles entre les bloggeurs, a évoqué le problème de mentalité et le handicap matériel (des zones géographiques pauvrement équipés en outils informatiques et de télécommunication) qui entravent le développement des blogs en Tunisie. Firas Kéfi, qui n’a que 18 ans, dévoile avoir appelé son blog Stupidity Zone pour «laisser le temps de la réflexion au lecteur».
Firas écrit en Français et en dialecte un contenu ironique mais aussi critique. En parallèle, il écrit dans ‘‘Zaweli’’.