Pour les premières nominations à la tête des médias publics, le chef du Gouvernement a fait exactement ce qu’aurait fait… Abdelwaheb Abdallah. Bienvenu au pays de «Zine El Abidine» Jebali.

Par Imed Bahri


Sans nous attarder sur les noms des confrères et consoeurs nommés aujourd’hui à la tête des médias publics (agence Tap, La Presse, Essahafa, Etablissement de la télévision tunisienne, Chaîne nationale1, Chaîne nationale2) – ce sont, à deux ou trois éléments près, d’anciens serviteurs de l’ancien régime –, c’est beaucoup plus la méthode et le timing qui laissent vraiment perplexe.

D’abord, ce gouvernement est censé rompre avec les anciennes méthodes «benalienne» des nominations à la tête des médias publics décidées directement par le pouvoir exécutif, et ce de manière à garantir, du moins formellement, l’indépendance de ces médias. M. Jebali et son équipe ont fait exactement le contraire de ce qu’on était en droit d’attendre d’eux : ils ont procédé aux nominations entre quatre murs et ont diffusé l’information via l’agence officielle Tap.

Ensuite, M. Jebali n’a même pas pris le soin de consulter ses alliés de la coalition gouvernementale, qui n’étaient même pas au courant de ces nominations. Ceux d’Ettakatol et du Cpr, que nous avons contactés pour les interroger à ce sujet, sont tombés des nues : ils n’étaient même pas au courant.

Les instances existantes, connaissant bien le secteur, et qui ont planché un an durant sur sa réforme – notamment l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (Inric) et le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) – auraient pu être d’un bon conseil pour un nouveau gouvernement sans expérience du secteur. Elles n’ont pas été consultées, ne fut-ce que pour assurer leur soutien ultérieur aux décisions qui seraient prises.

Le gouvernement a choisi un samedi après-midi, alors que les Tunisiens sont en week-end, pour annoncer les nouvelles nominations à la tête des médias publics.

C’est exactement ce que faisait souvent Ben Ali pour faire passer des décisions importantes et impopulaires avec le moins de tapage possible, en catimini.

Non, vous ne rêvez pas, le cauchemar tunisien se poursuit de plus belle. M. Jebali a tout appris de ses ex-tortionnaires, même l’art de museler les médias. Et qui pourrait mieux l’y aider, lui et son gouvernement, sinon ceux-là même qui y ont excellé sous Ben Ali.

Les responsables des médias publics nommés par… le Premier ministre

Le Premier ministère a annoncé, samedi, de nouvelles nominations à la tête de plusieurs établissements médiatiques.

 

Mohamed Taïeb Youssefi : Pdg de l’Agence Tunis Afrique Presse (Tap) ;

Mohamed Néjib Ouerghi : Pdg de la Société nouvelle d’impression, de presse et d’édition (Snipe) et directeur des journaux ‘‘La Presse’’ et ‘‘Essahafa’’ ;

Faouzia Mezzi et Mongi Gharbi : rédacteurs en chef du journal ‘‘La Presse’’ ;

Néji Abbassi : rédacteur en chef du journal ‘‘Essahafa’’ ;

Adnène Khedr : Pdg de l’Etablissement de la Télévision Tunisienne ;

Sadok Bouabbène : directeur de la Chaîne nationale ;

Imène Bahroun : directrice de la Chaîne nationale 2 ;

Saïd Khezami : directeur de l’information à la télévision tunisienne.