Ennahdha a pris d’assaut les espaces médiatiques durant le mois de novembre. Lui, et ses alliés de la troïka, ont rapidement pris le pouvoir sur les journaux, les ondes radios et télés.

Par Thameur Mekki


«Cette période est caractérisée par la croissance de l’espace dédiée à la troïka dans les médias», a déclaré Sana Ben Achour, coordinatrice générale de l’opération du monitoring média en phase de transition démocratique*.

Réalisé par un collectif d’associations, le rapport final de cette veille qui a duré du mois d’août jusqu’à novembre 2011 a été présenté lors d’une conférence de presse tenue, mercredi 29 février, à la Maison de Culture Ibn Rachiq. C’était également une occasion pour faire part du rapport de monitoring de la période du 1er au 25 novembre.

Contrairement à ce que prétendent les fervents défenseurs du Mouvement Ennahdha, leur parti est le plus représenté dans la presse imprimée tunisienne, toujours selon le même rapport. Du 1er au 25 novembre, 33,20% des pages des journaux tunisiens sont consacrés à cette formation politique. Suivie par son allié le Congrès pour la République (Cpr) occupant 11,59% d’espace, Ennahdha est la force politique la plus présente dans la presse écrite, plus même que le gouvernement se contentant de 11%. ‘‘Achourouq’’, ‘‘Assabah’’, ‘‘Assahafa’’, ‘‘Assarih’’ sont les quatre quotidiens arabophones ciblés par ce monitoring. Cette observation s’est également penchée sur trois quotidiens francophones, à savoir ‘‘La Presse’’, ‘‘Le Temps’’ et ‘‘Le Quotidien’’.

Idem pour les radios. Fort de ses 89 élus à l’Assemblée Constituante et de sa prédominance dans la formation gouvernementale, le Mouvement Ennahdha occupe 25% de l’espace radiophonique. «N’empêche, les radios sont plus équilibrées que les journaux», relève Sana Ben Achour. De son côté, le gouvernement est mieux servi par les radios que les journaux. Il y occupe 19% de temps d’antenne. Les deux autres partis de la troïka règnent sur la troisième et la quatrième position, respectivement prises, par le Cpr et Ettakatol (Fdtl) avec 16,92% et 12,19%. Les radios objets de la veille sont Radio Jeunes et la Radio Nationale (service public) ainsi que Mosaïque Fm et Shems Fm (privées).

Sur les petits écrans, le Mouvement Ennahdha est également en tête. 23,82% du temps du prime time lui sont consacrés. C’est ce que dévoilent les chiffres présentés par le même rapport observant les Wataniya 1 et 2, Hannibal Tv ainsi que Nessma TV.

Décidément, les partis de la troïka ont le pouvoir télévisuel puisqu’ils occupent presque 55% d’espace sur les chaînes tv. Le Cpr occupe 16,62%. Quant à Ettakatol, il est présent à hauteur de 14,76%.

«Nous avons remarqué une certaine partialité. Le manque de professionnalisme est également un handicap à surmonter. Côté déontologie, il y a encore beaucoup de travail à faire», constate Mme Ben Achour. Et elle ajoute : «Après plus de 20 ans d’emprisonnement de la pensée et de la parole libre, les journalistes professionnels ont été éjectés du secteur».

Dans la même rencontre avec la presse, elle a insisté sur la nécessité de se serrer les coudes entre journalistes et société civile afin de réformer le secteur en proie aux tiraillements entre forces politiques.

* Présidé par l’Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd). Cette coalition est formée par l’Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement (Afturd), la Ligue tunisienne des droits de l’homme (Ltdh) et le Conseil national des libertés en Tunisie (Cnlt). Deux structures directement concernées par les médias font également parti de ce tissu associatif à savoir le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) et l’Observatoire pour la liberté de la presse, de l’expression et de la création (Olpec). Il est soutenu par l’organisation danoise International Media Support (Ims), l’Observatoire de Pavia (Italie) et l’Arab Working Group for Media Monitoring (Awmm).