Rumeurs, fausses informations, truquages en tous genres, articles faussement neutres… Le journaliste tunisien n’a vraiment pas encore fait son «aggiornamento».

Par Jamel Dridi


Le journaliste n’est pas en-dessous de la loi et ses droits doivent être respectés. Mais il n’est pas au dessus de toutes les règles et notamment de la première qui devrait être sa religion à savoir vérifier son information avant de la publier. Car comment veut il qu’on le respecte quand il ne vaut pas mieux qu’un diffuseur de rumeur sur Facebook?

Le journaliste donne des leçons mais n’en tire aucune lui-même

Avant le 14 janvier 2011, il y avait des mercenaires de la plume qui écrivaient des fausses informations soit par intérêt soit par peur.

Après le 14 janvier, on a vu un espoir dans ce beau monde journalistique. Certains à qui l’on a pardonné ont tenté de reprendre une plume rebelle, des nouveaux médias sont apparus. Une fraicheur journalistique a vu le jour avec l’arrivée de personnes «honnêtes» et professionnelles ou avec une nouvelle virginité journalistique pour les personnes les plus expérimentées.

On a commencé à avoir une information presque vrai, presque fidèle aux faits,  dénuée de tout esprit partisan et peu soupçonnable d’avoir été commandée par un mécène bon payeur. Enfin, une information fiable dans laquelle on ne doute pas.

Truquage, fausses rumeurs, manipulation

Mais peu-à-peu, il faut dire que l’on a pris le mauvais chemin. Au gré du clivage de la société à vrai dire. Le journaliste, celui qui n’est censé s’attacher qu’aux faits, celui qui est censé voir l’intérêt général et plus loin que les politiques partisanes, est tombé dans le panneau comme un scribouillard débutant. A part quelques rares médias, il suffit de lire le titre d’un article pour dire si ce journal est anti ou pour un parti politique, anti ou pour une personne. Les articles sont tellement peu fins, tellement peu nuancés qu’on se croirait en face d’un facebookien amateur qui donne brutalement son opinion. Et parfois même l’intelligence du facebookien est supérieure.

Mais si c’était que ça. Pire, certains vont même faire le buzz en colportant des fausses rumeurs. Ils se fichent si cela peut faire mal à une personne fusse-t-elle publique, si cela peut nuire au tourisme en agitant des fausses menaces terroristes, etc., peu importe, tant que c’est vendeur, on publie quitte à faire ensuite un petit encart d’excuses. Cela ressemble fort à l’expression tunisienne que je traduis en français «une gifle et un bonbon». Sauf que là on joue avec de gros enjeux.

La presse tunisienne cherche encore la confiance du public

Ne pas avoir la mémoire courte

Pourtant c’est une formidable erreur que d’agir ainsi. Et qu’il faudra bien payer cash à un moment ou à un autre. Et si l’on avait la mémoire courte, il faudrait juste se rappeler des médias de référence tunisiens qui ont embrassé la cause bénalienne en leur temps. Ils ont beau avoir retrouvé aujourd’hui une ligne éditoriale équilibrée et une nuance dans le rendu des informations, ils traînent toujours leur lourd bagage de médiocrité et de «partisanisme» qu’ils avaient. Et s’ils tentaient de cacher ce passé, Internet est la pour le leur rappeler.

Nous ne parlerons même pas ici de ceux qui truquent des photos ou sont eux-mêmes à l’origine de rumeurs qu’ils ont inventées de toute pièces. Ceux là, ce sont tout simplement des clowns à plumes.

Se réformer pour s’élever au niveau du journalisme mondial

Cet article ne veut donner aucune leçon de morale aux journalistes et l’auteur de ces lignes, apprenti scribouillard en herbe, s’est lui-même quelques fois emmêlé les plumes en oubliant de distinguer sa pensée et les faits, son opinion et la réalité, etc., mais il se veut un appel envers une profession qui aurait tout à gagner à élever le débat et sortir des articles de commentaires, des articles de petite phrase reprise ou sur la couleur des chaussettes ou de l’habit d’un tel ou de tel autre.

Pour finir, il faut revenir sur une phrase souvent entendue chez certains journalistes tunisiens eux-mêmes. «Pourquoi des journaux français ou anglais ou arabes ont-ils souvent les faveurs des Tunisiens qui veulent livrer des scoops». Pourquoi ‘‘Le Monde’’, ‘‘Médiapart’’, le ‘‘Financial Times’’ ou Al-Jazira savant toujours avant nous médias tunisiens, etc.

Tout simplement chers collègues, parce que – même si ce n’est pas une vérité – ils tendent à recueillir les faits et à les présenter tels quels. Ils essaient d’être objectifs et ne roulent pour personne. Parce que leurs articles interrogent le lecteur, lui font se poser des questions, le transportent dans l’avenir pour réfléchir aux solutions et ne se cantonnent pas à vendre de l’information à consommer immédiatement et destinée à uniquement faire le buzz pour dire haut et fort combien de lecteurs on a cumulé à la fin du mois.