L’Union européenne (UE) conditionne le versement de fonds à la Tunisie à la mise en œuvre de deux décrets organisant le secteur des médias, a annoncé lundi l’ambassadeur de la Commission européenne à Tunis.
«Des fonds de 100 millions d’euros de l’UE, ainsi que des financements de bailleurs comme la Banque africaine de développement (Bad) et de la Banque mondiale (BM) ne seront débloqués qu’après l’application des décrets 115 et 116 relatifs au secteur des médias», a déclaré Adrinaus Koetsenruijter.
Bruxelles au secours des médias en Tunisie
Ces textes avaient été réalisés par la commission des experts de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution (Hiror), en concertation avec l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (Inric) et le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt). Ils sont destinés à garantir la protection des journalistes et suppriment les peines de prison pour diffamation et autres infractions liées à la liberté d’expression.
Le décret-loi 115 devait remplacer les précédentes dispositions et lois en vigueur, notamment le code de la presse de 1975, et celui 216 jette la base d’un cadre régulateur pour les nouveaux médias audiovisuels, avec la création de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica).
Les deux textes ont été adoptés par l’ex-gouvernement Béji Caïd Essebsi et publiés, le 2 novembre 2011, mais le gouvernement Hamadi Jebali, dominé par le parti islamiste Ennahdha refuse de les mettre en application.
Ce blocage, dénoncé récemment par l’Inric et le Snjt, ainsi que par des organisations internationales de défense de la liberté de la presse, intervient dans un contexte de tensions entre le gouvernement et les médias et des menaces officieuses de cession de l’Etablissement de la télévision nationale au privé.
Lors du déjeuner-débat organisé, lundi, à l’occasion de la «Journée de l’Europe», l’ambassadeur et chef de la Délégation de l’UE à Tunis, Adrianus Koetsenruijter, est revenu sur ce sujet en relation avec l’aide de européenne à la transition démocratique en Tunisie.
En novembre 2011, le commissaire européen Michel Barnier avait affirmé que l’UE était prête à accorder à la Tunisie un financement de 3,4 milliards euros pour son développement régional et la création d’emplois.
Fin septembre, l’UE avait annoncé un montant global de 157 millions d’euros destinés à la relance de l’économie après la révolution qui a chassé Ben Ali le 14 janvier 2011.
Le respect des libertés au centre de toute association
La Tunisie souhaite obtenir un «statut avancé» permettant des relations plus profondes avec l’UE et dont l’octroi achoppait sur l’absence de libertés sous le régime Ben Ali.
L’accord d’association qui lie la Tunisie à l’UE depuis 1995 comporte un volet sur le respect des libertés, mais les sanctions que permettrait ce volet n’avaient pu être activées malgré les appels des opposants et défenseurs des droits de l’Homme.
L’UE a exprimé vendredi sa «déception» après le jugement jeudi dernier du patron de la chaîne privée Nessma, condamné au versement d’une amende pour la diffusion du film ‘‘Persepolis’’, jugé blasphématoire, et a appelé à la révision des lois limitant la liberté d’expression.
I. B. (avec agences).