Malgré les doutes ayant entraîné sa tenue, Mousiqa Wassalem (Musique et Paix) s’est tenue, comme prévu, jeudi dernier. Badiaâ Bouhrizi et Yasmine Hamdan, héritières de la Reine Didon, ont réinvesti Carthage par leurs vibrations sonores.

Par Thameur Mekki


Il est 18h40. Bercées par les brises de vent, les cheveux bouclés de Badiaâ Bouhrizi engloutissent son visage. Simplement vêtue, la chanteuse, penchée sur sa guitare, commence sa performance avec «Anoujad», un de ses nouveaux morceaux. Son univers musical minimaliste se presse à confirmer qu’au temple de la musique alternative, l’habit fait souvent le moine. Exit le chichi. Accompagnée par Zied Meddeb Hamrouni alias Shinigami San aux machines, elle fait sombrer les 300 personnes (ou presque) présentes à l’esplanade du Musée de Carthage dans une sorte de révérence.

Le minimalisme comme vecteur de la connexion avec le public

Connecté à son laptop autant qu’aux mélodies de la guitare de Badiaâ, Shinigami San garde l’oreille tendue à la voix pure de la chanteuse. Son bruitage renforce l’atmosphère sonore.

 

Badiaâ Bouhrizi, minimaliste mais bien présente.

L’intensité des paroles en arabe classique donne plus d’assurance aux voyageurs dans cet univers intime. C’est parti. Les morceaux s’alternent. «Labess» et «Salem Salem» se présentent, par leur hétéroclisie, comme des exceptions qui confirment la règle… celle du choix du minimalisme en tant que vecteur pour la connexion avec le public. «Où est-ce que vous êtes? Faites quelque chose pour que je sache que vous êtes toujours parmi nous», lance Badiaa Bouhrizi au public. «Il n’y a pas de salafistes ici», ajoute-t-elle avec ironie. Et elle abandonne sa guitare pour poursuivre avec «Kama kala abi» et «Mounakadha».

Place aux rythmes survoltés de Shinigami San. Il est, désormais, aux commandes. De quoi éveiller le public après une première partie où l’acoustique a pris le dessus sur l’électronique.

«Accueillons, maintenant, Khaled alias Mr Kaz. Regardez ce qui est écrit ici», clame Badiaâ en pointant du doigt le t-shirt de son frère rappeur. «Mantakhebtkomch» [Je ne vous ai pas élu, Ndlr] est le slogan porté par l’artiste. Il interprète en duo «Assr», un morceau-témoignage carcéral après avoir clamé «Free Madou Mc et tous les jeunes emprisonnés pour un malheureux joint».

Badiaâ Bouhrizi et Shinigami San.

Une subtile critique satirique du conformisme

C’est que l’artiste est engagée pour la cause de la dépénalisation de la consommation du cannabis surtout depuis que son frère cadet, également rappeur, a été arrêté il y a cinq mois.

De nouveau, seule sur scène, Badiaâ poursuit sa performance avec «Pokemon», une subtile critique satirique du conformisme. Ça groove avec une dose supplémentaire d’africanité au refrain. Le cocktail sonore servi par Shinigami San affiche et confirme sa diversité dans un nouveau morceau. De l’electronica au trip-hop en passant par la techno et le deep house, difficile de caser la musique du duo dans un registre spécifique. La certification roots est bien estampillée avec «Ila Selma», dernier morceau de la performance de Badiaâ Bouhrizi.

Le concert s’est poursuivi avec une performance de Yasmine Hamdan, artiste libanaise résidente à Paris. Elle a présenté, pour l’occasion, des tracks de son dernier album, sorti le 23 avril, portant son propre nom. L’ex-chanteuse de Soap Kills, groupe electro-pop libanais, était accompagnée de Marc Collin, compositeur de cet opus aux claviers synthétiseur ainsi qu’un percussionniste, une batteuse et un guitariste.

 

Badiaâ Bouhrizi, Shinigami San dans Mousiqa Wa Salem.

Ainsi, «Mousiqa Wassalem» a offert au public tunisien une nouveauté internationale sillonnant les scènes européennes et américaines.

Photos Yassine Meddeb Hamrouni