La 1ère édition de Mousiqa Wassalem s’est clôturée, mercredi, avec un concert de Khyam Allami et de Kamilya Jubran. Ambiance intimiste à l’esplanade du Musée de Carthage.

Par Thameur Mekki


«Je vais jouer sans interruption pendant 55 minutes. Je veux que vous vous sentiez chez moi», annonce le musicien irakien Khyam Allami, une fois installé sur la scène du festival. «C’est un périple intime. Je ne vous raconterai pas ses détails. Ecoutez-les», ajoute-t-il avant de commencer à jouer. ‘‘Résonance/Dissonance’’ (édition européenne, Cargo Records) ou ‘‘Ranin aqall’’ (édition arabe, Eka3 2011), ainsi s’intitule le projet présenté par ce virtuose de l’oud, né à Damas et résident à Londres. Décollage immédiat en compagnie du percussionniste égyptien Ayman Mabrouk.

Quand l’oud se confie au daf

Les autres artistes qui ont défilé sur la scène de Mousiqa Wassalem accordent une importance bien particulière aux paroles. Il s’agit d’une composante fondamentale de leurs créations abordant la guerre et la paix, l’emprisonnement et la liberté, la joie et la mélancolie, leurs ambitions et leurs désillusions. Khyam Allami n’en a pas besoin. Penché sur son oud, il se lamente et sombre dans la mélancolie en caressant les cordes de son instrument. Il s’indigne et fait monter le tempo. Khyam s’extasie et développe la mélodicité jusqu’à esquisser des fresques sonores. Le daf sait le consoler, chasser ses chagrins, l’épauler dans sa révolte ou célébrer ses réussites. Mais ce qu’il sait faire de mieux, c’est se taire au bon moment. Et donc, être à l’écoute. 


Khyam Allami... ailleurs

Difficile de décrocher tout au long des sept morceaux interprétés par le duo. Volontiers, on devient accro.

«Ce n’est pas par prétention que nous sommes au dessus de vous. La scène est très haute. Nous aurions aimé être au même niveau que vous. Mais nous vous rejoindrons dès que nous finissions. Je suis un amoureux de la musique de Kamilya Jubran», a confié Khyam Allami aux quelques centaines de personnes présentes à l’esplanade du Musée de Carthage avant de commencer sa performance. Promesse tenue.


Khyam Allami et Ayman Mabrouk, le dialogue

«Wanabni»… même en exil

«Voilà que je suis revenue en Tunisie peu de temps après mon dernier concert [mars 2012, Ndlr]. C’est agréable de vivre l’été avec vous», lance Kamilya Jubran accompagné par le musicien suisse Werner Hasler. Et elle poursuit: «Nous nous sommes rencontrés depuis 10 ans. Depuis, nous avons fait deux albums. Nous avons travaillé sur un nouveau projet que nous allons présenter ce soir». Et elle débute sa performance avec ‘‘Wanabni’’, extrait de son dernier album éponyme, sorti en 2010.

Munie de son oud, Kamilya cède l’intro à Werner Hasler à la trompette et aux machines, histoire d’établir une atmosphère sonore mélancolique. La poésie de Fadhil Al Azzawi chanté par la Palestinienne invoque une musique sombre.

«C’est un poète irakien résident à Berlin. Il est en exil depuis 25 ans après avoir été un prisonnier politique dans son pays», dixit Kamilya en intro du morceau. L’oud ne se prononce que vers la fin de ce track. Dans l’album ‘‘Wanabni’’, l’artiste, originaire d’Acre, continue à façonner l’articulation de la poésie arabe à sa guise. Son insatiable quête expérimentale l’a amenée dans ce projet à intensifier le travail avec le poète Fadhil Al Azzawi, auteur de 3 des 9 morceaux de cet opus dont ‘‘Lam’’, deuxième track présenté lors de sa performance carthaginoise.


Kamilya-Jubran, la peine est don

Avant chaque morceau, Kamilya Jubran fait découvrir au public les périples des différents auteurs de ses paroles. L’exil est leur dénominateur commun. Mis à part Al Azzawi, il y a Aïcha Arnaout, poète syrienne réfugié à Paris depuis les années 70, auteur de ‘‘Wana’rif’’. Côté musique, l’oud revient en force dans ce track marqué également par les beats saignants concocté par Werner Hasler. S’en suivent ‘‘Asra’’, ‘‘Waa’dda’na’’ et autres créations musicales dont les paroles sont des poèmes du marocain Hassan Najmi.

«En mai 2002, je me suis réunie avec Werner pour travailler sur notre premier morceau. Nous avons passé 2 mois de travail là-dessus», confie Kamilya Jubran au public. Retour aux classiques avec ‘‘Ghareebah’’ et ‘‘Al-Mawjatu Taa’ti’’, dernier track de cette performance intimiste, tout en sons et chuchotements.

Photos : Yassine Meddeb Hamrouni