Le tribunal a convoqué lundi certains artistes ayant exposé au Printemps des Arts du 1er au 10 juin à El Abdellia. Quel crime ont-ils commis pour être entendus par le juge?
«Lundi, on m’a convoqué et posé un tas de questions à propos de mes œuvres exposées à El-Abdellia et de mes intentions. Il s’agit pour le moment d’une enquête et pas plus. Désolé, mes avocats m’ont conseillé de ne pas trop m’exprimer là-dessus», s’est contenté de répondre à Kapitalis l’un des artistes convoqués, qui a préféré garder l’anonymat.
Lui et ses collègues ont reçu des menaces de mort pour avoir porté atteinte au sacré par des religieux extrémistes manipulés notamment par Mohamed Ali Bouaziz, huissier de justice et ancien Rcdiste, récemment converti en nahdhaoui.
Ce dernier a été arrêté et vient d’être jugé pour avoir manipulé l’opinion publique en publiant sur les réseaux sociaux des œuvres non exposées avant de se rendre dans une mosquée appelant la foule à s’insurger contre les artistes. Il a écopé deux mois de prison (ou 1.000 dinars d’amende).
Côté ministère de la Culture, il y a une «enquête interne». Selon Samir Massoudi, chargé de la communication : «Il s’agit d’un site archéologique. Et il faut identifier qui a endommagé le palais El-Abdellia, un monument de notre histoire que nous devons garder précieusement. Mais le ministère n’a pas porté plainte contre les artistes», a-t-il précisé.
Le ministère de la Justice et celui de l’Intérieur, tous deux dirigeants du parti islamiste Ennahdha, ont déclaré, quant à eux, dès le départ qu’ils vont poursuivre ceux qui ont porté atteinte au sacré.
«Parce qu’ils se sont tout simplement exprimés dans leur art et ont cru que la Tunisie post révolution a échappé enfin à l’oppression. Voilà, on est revenu à la case départ et la situation est pire que sous le régime Ben Ali. Dorénavant, avant de prendre nos pinceaux, nous devons passer par les autorités pour avoir leur aval. Mais à quoi sert le ministre de la Culture s’il ne nous défend pas», se plaint une artiste peintre, ulcérée par ce qui se arrive à ses collègues, sous gouvernement islamiste.
I. B.