Pour augmenter les capacités de recherche en Afrique du Nord, un projet financé par les États-Unis envisage de relier les universités de la région et les instituts de science à travers une «bibliothèque numérique». La Tunisie sera au cœur de ce réseau qui s’étendra du Maroc à la Libye.


La U.S. Civilian Research and Development Foundation, une organisation à but non lucratif créée par le gouvernement américain pour promouvoir des programmes scientifiques internationaux, est à la tête de ce projet, qui sera d’abord réalisé avec l'Algérie, le Maroc et la Tunisie et qui vise à accroître l’accès de ces pays aux dernières recherches internationales, donner à leurs scientifiques des possibilités accrues de collaborer et de renforcer leurs capacités dans les domaines de la recherche scientifiques et de l’édition savante.

Financement de 1,5 millions US$
La fondation, qui a récemment achevé la mise en place d’une bibliothèque virtuelle similaires en Irak, prévoit de dépenser 1,5 millions US$ pour ce nouveau projet. L’argent fait partie d’un don de 5 millions US$ du Département d’Etat américain visant à soutenir la coopération scientifique dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena).
«Le gouvernement américain a un regain d’intérêt pour la coopération scientifique en général afin de résoudre un certain nombre de problèmes environnementaux, économiques, de sécurité», explique Eric Novotny, vice-président de la fondation. «Et il y a aussi un engagement américain plus important envers le monde musulman», ajoute-t-il.  
Dans un discours prononcé l’an dernier à l’Université du Caire, le président Obama a déclaré que les partenariats scientifiques et technologiques ont été l’un des domaines où les États-Unis pourraient renforcer leurs liens avec les nations islamiques.
Alors que le projet de bibliothèques numériques nord-africaines est encore à ses balbutiements, les chercheurs de la région ont bon espoir quant à ses perspectives.

Problèmes de l’équipement et du savoir-faire

Ces dernières années, les gouvernements de la région ont fait des efforts pour accroître l’accès à Internet dans les universités et de les relier les uns aux autres et aux centres européens d’enseignement. Mais l’accès à la recherche universitaire américaine est resté limité. Il y a également le problème de l’équipement et du savoir-faire. Dans un laboratoire, il peut n’y avoir qu’un seul ordinateur portable en réseau, appartenant généralement au directeur de la recherche. Et les chercheurs ne peuvent pas être au courant ou savoir comment naviguer à travers toutes les bases de données disponibles.
Brahim Bessais, directeur de laboratoire au Centre tunisien pour la recherche énergétique et de la technologie, explique que l’idée d’une bibliothèque régionale numérique est «très ambitieuse et très bénéfique pour le développement du Maghreb.» M. Bessais ajoute que la Tunisie a négocié l’accès à diverses bases de données scientifiques internationales, mais n’a pas encore numérisé les bibliothèques de ses universités ou les a pas reliées les unes aux autres dans un réseau en ligne.

Faire partie du dialogue mondial
Charles Dunlap, directeur du programme de renforcement des institutions à la Research and Development Foundation, estime que de tels problèmes peuvent vraiment nuire à la recherche. «Si vous êtes dans l’une des universités du monde en développement, et que vous ne voyez pas les meilleurs et les plus récents articles, cela constitue un barrage réel», dit-il. «Notre mission est de s’assurer que les scientifiques vont voir ce dont ils ont besoin pour faire partie du dialogue mondial.»
Les responsables de la fondation sont actuellement en discussion avec les universités et leurs tutelles dans les pays du Maghreb. Il s’agit, selon les termes de M. Novotny de «complexes négociations à trois entre les propriétaires de contenu, les institutions qui veulent les utiliser, et nous, qui voulons faciliter ce processus.»
L’un des objectifs est de consolider l’accès des universités maghrébines à des revues en ligne, en négociant un abonnement avec chaque éditeur. En outre, des articles de journaux seront disponibles en un seul index unifié, ce qui rend plus facile les recherches. Un autre objectif est d’accroître la visibilité de la recherche en Afrique du Nord. Le plan est d’établir un système open-source pour la publication Web, ce qui rendra la production locale de recherche disponible en ligne, et d’aider les institutions locales à mettre en place des publications où il n’en existe pas.
L’interface de la bibliothèque numérique sera en arabe, anglais et français. Il comprendra un logiciel qui facilitera les discussions en ligne, permettant aux chercheurs de visualiser et de commenter chacun des autres articles inédits et automatiquement les avertir si d’autres travaillent sur des sujets similaires.
Dans une deuxième phase, la bibliothèque numérique peut être élargie pour inclure la Libye et la Mauritanie.
En attendant, les 5 millions de dollars de don états-uniens, où sera puisé le financement de la bibliothèque virtuelle, soutiendra également des conférences académiques, des séminaires de formation, et d’autres événements dans la région.

M.N