A l'occasion de la Journée internationale des droits de l'Homme, une conférence sur le thème «Archives et droit de savoir» se tiendra le 10 décembre, aux siège des Archives nationales de Tunisie, à Tunis (122, Boulevard 9 Avril 1938).

La conférence est organisée par la représentation de l'Unesco pour l'Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie et les Archives nationales de Tunisie.

Mieux connaître les expériences internationales

On annonce la participation de Ridha Abdelhafidh, secrétaire général du gouvernement, Mehdi Benchelah, chef de bureau de projet Unesco à Tunis, Hedi Jallab, directeur général des Archives nationales de Tunisie, Misako Ito, conseillère pour la Communication et l'information au bureau régional de l'Unesco pour l'Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie, Antonio González Quintana, directeur général adjoint des Archives de la Communauté autonome de Madrid et ancien directeur du projet Unesco-Ica sur la gestion des archives de la sécurité d'Etat des anciens régimes répressifs, Graham Dominy, archiviste national d'Afrique de Sud, Catherine Gerth, chef de la division des archives et de la gestion de l'information à l'Otan, Carlos Osorio, directeur du projet de documentation du Cône Sud et des Systèmes d'information, Archives nationales de la sécurité, Université George Washington, Perrine Canavaggio, Conservateur général honoraire du patrimoine et membre du groupe Archives et Droits de l'Homme au Conseil international des archives, Asma Shiri Abidi, directrice générale aux services du conseiller juridique auprès du gouvernement, Farah Hached, conseillère juridique et présidente de l'association Le Labo' Démocratique.

Préserver de l'oubli la mémoire collective

«La connaissance par un peuple de l'histoire de son oppression appartient à son patrimoine et, comme telle, doit être préservée par des mesures appropriées au nom du devoir incombant à l'État de conserver les archives et les autres éléments de preuves se rapportant aux violations des droits de l'Homme et du droit humanitaire et de contribuer à faire connaître ces violations. Ces mesures ont pour but de préserver de l'oubli la mémoire collective, notamment pour se prémunir contre le développement de thèses révisionnistes et négationnistes», lit-on dans le rapport 2005 de la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies.

Presque deux ans après le 14 janvier 2011, la Tunisie, tout comme les autres pays du monde qui ont connu une histoire de dégradation et de dictature, se retrouve face à son passé, à une phase de transition pour reconstruire le pays et instaurer un climat de paix et de réconciliation. Dans cette phase capitale de l'histoire de la Tunisie où se met en place le dialogue national sur la justice transitionnelle, la préservation et l'accès aux archives sont devenus des enjeux politiques majeurs afin d'établir les responsabilités, garantir les réparations, reconstruire l'histoire et perpétuer la mémoire collective. C'est ce qui a été souligné par l'Association tunisienne des gestionnaires des archives (Atga) lors de la journée d'étude sur ce thème organisée le 20 septembre dernier.

L'expérience des pays ex-socialistes, après la chute du Mur de Berlin avait déjà montré le phénomène: la chute de ces régimes a fait apparaître des masses énormes d'archives des services de renseignement et de la bureaucratie communiste répressive qu'il fallait traiter et rendre accessibles, car ils contenaient les preuves des violations des droits des citoyens. Les 180 kilomètres linéaires de fichiers et dossiers de la Stasi, la police secrète de la République démocratique allemande, en sont un exemple emblématique.

Rendre accessibles ces documents secrets

La question de la préservation de ces archives et de leur accès a été alors centrale : elles ont permis d'établir de dizaines de milliers de copies de documents prouvant les spoliations dont avaient été victimes certains citoyens sous le régime communiste et rendu possible leur indemnisation. Elles ont également permis l'identification et la mise à l'écart des agents compromis avec le régime précédent. De nouvelles lois sur les archives ont alors été votées dans ces pays pour rendre accessibles ces documents secrets.

S'interroger sur ce qui reste de l'ancien régime, c'est aussi se documenter sur l'histoire de la dissidence et développer des politiques archivistiques orientées vers les archives des mouvements d'opposition ou des militants des droits de l'Homme.

En effet, ces archives sont exposées à plus d'un titre à la disparition: souvent éparpillées chez des militants, elles sont non pensées comme archives et par conséquent non déposées. Or les documents issus de ces organisations sont le contrepoint indispensable des témoignages du pouvoir et toute tentative pour approcher la vérité des évènements doit passer par la confrontation des sources.

Depuis près de 20 ans, l'Unesco travaille en collaboration avec le Conseil international des archives (Ica) pour la reconnaissance du rôle des archives dans la défense des droits de l'Homme.

L'organisation a soutenu différentes études et initiatives sur le thème des archives et droits de l'Homme et adopté en octobre 2011 la Déclaration universelle des Archives qui souligne l'importance du rôle des archives dans la mise en pratique de transparence administrative, la responsabilité démocratique et la préservation de la mémoire sociale collective.

Les obstacles d'accès aux archives en Tunisie

C'est dans ce contexte que l'Unesco et les Archives nationales de Tunisie organisent, à l'occasion de la journée mondiale des droits de l'Homme, cette journée de réflexion avec la communauté des archivistes en Tunisie mais aussi des juristes, historiens et défenseurs des droits de l'Homme sur la gestion des archives dans le cadre de la transition démocratique.

Les participants devront répondre aux questions suivantes :

- Quelles archives préserver dans le cadre de la transition démocratique? Quelles sont les instances à impliquer pour assurer leur sauvegarde?

- Quels sont les critères d'évaluation de ces archives?

- Comment assurer l'intégrité de ces fonds?

- Quelles sont les questions éthiques et déontologiques soulevées par leur sauvegarde, accès et utilisation?

- Comment traiter les archives des mouvements d'opposition ou des militants des droits de l'Homme? Où faut-il les conserver?

- Quels sont les obstacles d'accès aux archives en Tunisie aujourd'hui?

- Quel est le rôle des pouvoirs publics et celui des professionnels?

- Comment mettre en place des politiques archivistiques pour la défense des droits de l'homme?

- De quelles expériences réussies peut-on s'inspirer?

A travers les interventions des experts et pratiquants, cette journée aura pour objectif d'aborder ces différentes questions et dresser une feuille de route pour et la mise en place des politiques archivistiques pour la défense des droits de l'Homme en Tunisie.

I. B. (avec communiqué).